Au lendemain de la seconde guerre mondiale l’Afrique noire était presque entièrement colonisée. Quinze ans plus tard, en 1960, la plupart des pays ont acquis la souvereineté politique. Ils sont indépendants. 2010 est l’année du cinquantenaire de l’indépendance des pays d’Afrique subsaharienne. Cet anniversaire a été célébré avec plus au moins d’enthousiasme selon les pays. Parfois d’anciens pays colonisateurs, c’est le cas notamment de la Belgique et de la France, s’en sont mêlés, créant un certain malaise. Que célèbre-t-on ? Les pays africains ont gagné un drapeau, un hymne, mais ont-ils gagné leur indépendance ? Plus de 60% de la population africaine âgée de moins de 25 ans, n’a pas connu la période coloniale, l’Afrique de 2010 n’est pas celle des années 1950. Le continent se bat entre la volonté d’émerger et les obstacles internes et externes qui l’entravent.
Il peut y avoir deux manières de considérer l’Afrique aujourd’hui: la vision pessimiste d’un continent en proie à l’instabilité, un continent manipulé par les pays riches, aux mains de dirigeants corrompus, en quête d’un développement qui n’arrive pas, de populations qui ne songent qu’à aller chercher ailleurs la stabilité économique et politique qu’elles ne trouvent pas sur leur sol ; ou bien une vision plus nuancée, qu’on peut appeler de nos voeux, d’un continent au potentiel considérable, à la capacité de vie et de survie étonnante o๠peut naître ou renaître un modèle de développement, une autre voie que le modèle dominant occidental. C’est loin d’être acquis car les indépendances conquisent il y a cinquante ans sont ni économiques, ni énergétiques, ni financières, ni alimentaires. La dépendance continue. Le monument construit au Sénégal pour célébrer cette année 2010 en est d’une certaine manière le symbole. Son prix élevé et son constructeur, la Corée du Nord, ont fait polémiques dans le pays. Que célébre-t-on ? Des dirigeants au pouvoir ou la mémoire d’un peuple ?
Cinquante ans c’est court pour des pays qui ont eu à se reconstruire après plusieurs décennies de soumission et d’aliénation aux puissances coloniales. C’est court pour dresser des bilans, établir des conclusions, l’Histoire réclame du temps.
Sur les indépendances africaines, un article de Mireille Fanon-Mendes-France, fille de Frantz Fanon circule depuis quelques semaines sur le net, notamment sur le site canadien Alternatives International ( http://www.alterinter.org). Nous le reprenons sur Perspektives.
Quel regard l’auteur des « Damnés de la terre », de « Peau Noire, masques blancs », mort au début des années 1960, porterait sur l’Afrique d’aujourd’hui pour laquelle il s’est battu ? Sa fille, président de la Fondation Frantz Fanon et membre de l’Union juive française pour la Paix tente une réponse.
Pour elle, c’est « L’aube des Damnés », l’Histoire continue et ne s’arrête ni en 2010, ni en 1960. Nous publions son texte ci-dessous.