Souvenirs: c’était au festival d’Avignon 2002, il y a huit ans. Nous sommes une petite dizaine dont la directrice du festival de théâtre de Tanzmanie à parler de culture, à parler de nos rêves – Jacques Martial : « Quand je serai grand, j’aimerais interpréter seul sur scène « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire. Pas une lecture, une vraie mise en scène, un jeu d’acteur. »
– Moi : « Tu es déjà grand. On le fait mais moi, mon rêve est que des jeunes de Guadeloupe y soient associés. Que la création ait lieu à L’Artchipel. Tu seras en résidence . »
– Robby : « Quel beau projet. Mais il y a le problème de la langue »
– Jacques : « Faisons une version en anglais.
La mise en scéne du Cahier du retour au pays natal est sans doute l’une des créations théâtrales les plus abouties jamais réalisée en Guadeloupe. Cette création est née au début des années 2000 à L’Artchipel.
Le but était d’associer un texte caribéen universel, un metteur en scène, un comédien guadeloupéen et d’aller au devant du public notament les jeunes. Ne pas rester cantonné au public d’initiés. Ce jeune public nous l’avons associé par la collaboration durant un an avec les classes A3 théâtre des lycées de Sainte Anne et Basse Terre.
Les élèves ont passé quinze jours en résidence à l’Artchipel, vivant au rythme des artistes en création. Un travail intense avec Jacques Martial a été réalisé sur certains textes que les lycéens ont joué en introduction au spectacle. Parmi ces trente jeunes, deux ont depuis fait une école d’art dramatique. Des élèves de lycées et une classe de 4ème (à titre expérimental) ont assisté à une représentation.
Des enseignants qui craignaient que leurs élèves ne suivent pas à cause de la difficulté du texte, sont revenus sur ce préjugé et les élèves ont été conquis. Les échanges avec le public ont été enrichissants au delà des espérances.
Quant au « tout public » : les intellos qui connaissaient le texte et qui l’ont savouré ; ceux qui avaient tenté de le lire à un moment de leur vie et l’avaient abandonné devant la difficulté des mots ; ceux qui ne le connaissaient pas. Tous sont restés dès les premières représentations pour un échange après le spectacle, submergés d’émotions.
Puis ce fut la tournée de Cahier en Martinique ( une représentation à 18h car Aimé Césaire était souffrant). Il n’avait pas pu venir en Guadeloupe mais m’avait téléphoné. Je ne sais plus ce qu’il m’a dit tant j’étais émue !
Puis Cahier joué en anglais à New York, en Tanzmanie, en Afrique du Sud. Puis joué au festival d’Avignon. Le ministre de la culture de l’époque, Donnedieu de Fabre a apprécié. Il a programmé des extraits pour diverses manifestations dès qu’il en eu l’occasion puis a nommé Jacques Martial président de La Villette.
Sept ans après, Cahier a été programmé à nouveau en Guadeloupe dans des lieux improbables comme chez Henri à Marie Galante, Beauport à Port-Louis avec la création lumière d’origine : le soir de la représentation, le lieu était habité. La pluie a souhaité donner la réplique doucement puis avec force en choisissant le moment dans le texte. Jacques a élevé la voix, une phrase, deux phrases. La pluie s’est arrêté net.
Et voilà !
J’ai parlé ces jours ci avec Jacques Martial et son prochain rêve, après la Villette : Othello en 2015 !
On commencera à y travailler en 2012.