La Guadeloupe peut-elle être son propre centre et non plus une périphérie ?

Les vieilles recettes, statu quo, gestion des affaires courantes sans imagination ou incantations ne feraient-elles plus recette dans un monde qui bouge ? Il semble y avoir comme une effervescence en ce début d’année. Si cela pouvait permettre d’ouvrir des débats, d’échanger des idées, puis d’agir, ce serait toujours ça. Perspektives fait une place au projet d’évolution statutaire de la Guadeloupe proposé par le Cippa, organisation crée par Alain Plaisir et ses amis. Une voix singulière au sein du LKP. Ce projet, sans doute discutable, a le mérite d’exister Le leader du LKP Elie Domota déclarant à  la radio qu’un tramway en Guadeloupe pour réduire la circulation automobile exponentielle n’est pas irréaliste; le projet politique alternatif pour une évolution statutaire de la Guadeloupe présenté au nom du Cippa par Alain Plaisir, numéro deux ou trois du LKP; le débat d’idées jugé nécessaire par le club de réflexion Génération Vérités de Mme Penchard … En ce début 2011, il semble y avoir comme une effervescence dans l’île pour engager le débat, trouver des idées neuves et impliquer la société civile.

Les vieilles méthodes, statu quo, gestion des affaires courantes sans imagination, ou incantation, ne feraient-elles donc plus recette dans ce monde qui bouge ?

Le comité d’initiative pour un projet politique alternatif (Cippa) est, à  ce jour, le plus avancé et le plus engagé des projets pour tenter de définir un avenir à  la Guadeloupe. Alain Plaisir et ses amis ont travaillé pour présenter un document d’une dizaine de pages dans lequel ils établissent à  la fois un état des lieux chiffré de la situation présente et proposent des solutions pour améliorer le futur des Guadeloupéens et notamment créer des emplois.

C’est un projet qui tient compte du réel, envisage un devenir pour la Guadeloupe et ne semble pas reposer sur les ego démesurés de ses initiateurs. Ce projet, sans doute discutable, a le mérite d’exister et de proposer une base de réflexion et de débats. Ce site étant un espace de dialogue et d’échanges nous publions l’essentiel du document, quelques commentaires, en espérant qu’il en suscitera d’autres.

Le constat du Cippa

 » Malgré d’incontestable avancée au niveau social, il faut constater que la départementalisation, puis l’intégration à  l’union européenne ont conduit à  une catastrophe au niveau économique. L’économie de plantation est devenu un marché de consommation de 2,5 milliards d’euros pour les capitalistes européens qui exportent en Guadeloupe. Un chiffre illustre la faiblesse de notre économie: le taux de couverture de la balance commerciale de la Guadeloupe était de 80% en 1950, il est aujourd’hui de 5,5%. »

Suivent des chiffres:

La banane, production de 145 000 tonnes en 1978, 50 000 tonnes en 2009

Sucre production 187 000 tonnes en1967, 50 000 tonnes en 2009

Ouassous, présenté comme un exemple de diversification dans les années 1960 a vu son tonnage réduit à  15 tonnes alors que la consommation est de 250 tonnes importées d’Asie du sud-est.

La production de poisson couvre 50% des besoins; l’élevage, malgré quelques progrès couvre 12% seulement de notre consommation de viande; la production vivrière et la pêche sont en déclin, les terres agricoles (39 000 hectares) disparaissent au rythme de 1000 hectares par an.

Tourisme: le nombre d’hôtels a diminué de près de 20% en cinq ans, 17 établissements ont fermé et environ 1000 chambres.

 » Le chômage est passé de 40 000 personnes en 2004, à  52 000 en 2009, il touche 40% des moins de trente ans.  »

Des impôts indirects en hausse

Le Cippa cite la taxe sur les carburants passées de 52 millions d’euros en 2004 à  64 millions d’euros en 2010; l’octroi de mer passé de 124 millions d’euros en 2005 à  145 millions en 2007; l’octroi de mer régional de 48 millions en 2004 est passé à  75 millions en 2009.

Baisse des transferts publics

 » La Guadeloupe très dépendante des transferts publics subit de plein fouet la facture austérité du gouvernement qui réduit le nombre des fonctionnaires, gèle les salaires et fait des économies de fonctionnement. Ces coupes sombres dans les transferts publics vont affecter directement la consommation qui était à  ce jour un élément important de la création d’entreprise et de la croissance.  »

Des échanges asymétriques

 » Les accords de partenariats européens entre l’Europe et les pays de l’ACP – Afrique-Caraïbe-Pacifique – se caractérisent par une ouverture intégrale du marché européen, y compris la Guadeloupe, à  l’ensemble des produits ACP en contrepartie d’une ouverture limitée et progressives des marchés des pays ACP aux produits des DOM. C’est l’Europe qui a négocié pour les Doms.  »

Et le Cippa affirme:  » Chaque jour la dépendance économique s’accroit en même temps que le chômage. L’issue ne réside pas dans une simple progression de la décentralisation et des exonérations fiscales, elle doit être recherchée dans une nouvelle orientation, qui fasse de la Guadeloupe, non pas la périphérie, mais le centre.  »

Reconquérir le marché intérieur

La réponse du Cippa aux questions posées plus haut, c’est la conquête du marché intérieur en remettant en cause le principe du libre-échange. Est-ce possible dans un monde de plus en plus ouvert ?  » Il ne s’agit pas de verser dans un protectionnisme généralisé mais d’examiner, production par production, service par service, l’utilité et le niveau de protection  » répondent les dirigeants du Cippa.

L’agriculture

 » Pour avoir une chance de développer son agriculture, la Guadeloupe doit protéger sa production alimentaire et plus globalement son marché intérieur. Les exigences de l’approvisionnement en denrées alimentaires n’excluent pas le commerce international mais celui-ci doit être équilibré et ne pas conduire à  une dépendance unilatérale.  »

Ainsi:  » Le pouvoir politique guadeloupéen, avec la collaboration des agriculteurs et de leurs syndicats doivent définir les orientations générales pour assurer:

un niveau de vie équitable à  ceux qui travaillent dans l’agriculture;

la sécurité alimentaire de la Guadeloupe;

accroître la productivité ( formation, irrigation, progrès technique)

fournir de la matière première à  une industrie agroalimentaire

assurer l’équilibre entre exigence de l’environnement et agriculture  »

Soustraction partielle à  l’ économie de marché

Pour parvenir à  cette  » reconquête  » le Cippa propose  » de mettre un frein au libre-échange en créant un tarif douanier guadeloupéen qui devrait protéger la production locale et assurer des recettes fiscales.

Les importations concurrentes seraient taxées, hormis celles venant de la Martinique et de la Guyane. Le Cippa propose d’ailleurs un marché commun entre ces pays.

Autonomie énergétique

 » Il faut mettre en oeuvre une politique volontariste pour acquérir dans les vingt ans une autonomie énergétique en s’appuyant sur les énergies renouvelables, soleil, mer, vent.

 » Une fiscalité guadeloupéenne faisant que tous les impôts perçus reviennent à  la collectivités; un programme de grands travaux et un tourisme guadeloupo-guadeloupéen complétent le projet du Cippa.  »

Un pays et territoire d’outre-mer (PTOM)

Ce programme est impossible à  appliquer dans le cadre départemental ou régional assure le Cippa.

 »  La conquête du marché intérieur ne pourra être espérée d’un régime basé sur l’exception, mais sur le droit « . Le Cippa propose donc un changement de statut et un compromis avec l’Etat reposant sur un partage des compétences relevant de la nouvelle collectivité guadeloupéenne et des compétences assumées par l’Etat Français.

Pas de rupture donc dans le projet du Cippa, mais un compromis et des compétences partagées avec des exigences:  » il faut que les nouvelles institutions renferment suffisamment de pouvoir pour mettre tout de suite en place une nouvelle politique économique, sociale et culturelle « .

La nouvelle collectivité selon le Cippa devrait avoir compétence sur : la fiscalité, le régime douanier, le commerce extérieur, l’urbanisme, l’éducation, la politique économique, l’énergie, l’exploitation des ressources naturelles, le transport, la coopération avec les peuples, le sport, le tourisme, l’accès au travail des étrangers, le droit d’adopter des signes distinctifs: hymne drapeau.

L’Etat conservant les attributions des pouvoirs publics constitutionnels de la République, du Conseil d’Etat, de la cour de cassation etc . La Défense, la nationalité … Ces nouvelles compétences devant être négociées dans le cadre de l’article 74 de la constitution.

Le passage au PTOM, pays-territoire d’outre-mer est compatible à  la législation européenne.  » Le traité de Lisbonne prévoit une clause passerelle, permettant de faire passer une région ultra périphèrique à  un statut de territoire d’outre-mer et vice-versa  » souligne le document du Cippa. L’île de Saint-Barthélemy, rattachée il y a peu de temps encore à  la Guadeloupe, devrait d’ailleurs passer PTOM au 1er janvier 2012 pour bénéficier de plus de souplesse fiscale et douanière.

Pour mener a bien ce processus, le Cippa propose de passer par l’élection d’une  » Assemblée instituante » qui rédigerait et définirait le nouveau statut, puis par une consultation des électeurs. L’exigence démocratique est donc privilégiée.

A suivre.

– Laissez vos commentaires et réactions à  ce projet alternatif du Cippa, ni statu quo, ni appel au matin du grand soir.

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour