Les textes que nous envoie Dominique Domiquin sortent des sentiers habituellement battus sur ce site. On le remercie du regard qu’il porte sur la société et qu’il nous aide à porter. C’est d’éducation des jeunes filles qu’il nous parle en ce début d’année, du rôle des mères et du regard des hommes. Le corps gracile se faufile entre les invités et fond sur moi tel un missile. Elle porte une minijupe à la limite de la décence, un bijou orne son nombril nu. Son gloss est assorti à ses talons aiguilles dont le cliquetis rapide résonne sur le carrelage. Oeil velouté au mascara et sourire malicieux, elle me demande poliment un coca. Je la sers en m’informant : » Ta maman est d’accord ? Elle t’a autorisée à boire du soda ? » L’enfant parfumée se tortille un peu, attrape son gobelet et file rejoindre ses camarades qui jouent dans le jardin. » Elle à sept ans » m’apprendra sa mère, une belle femme plutôt sophistiquée.
En sirotant mon planteur, au fil de mes conversations d’automate, j’observe le ballet social -toujours très instructif quand on s’intéresse aux gens. Le regard des femmes s’attarde et se durcit imperceptiblement dès qu’apparait la fillette. Celui des hommes se détourne très vite, ça chuchote un peu. Le père, un type sérieux, semble ne s’apercevoir de rien. La mère assume quand, n’y résistant plus, je finis par lui demander précautionneusement si l’accoutrement de sa petite fille … Elle répond qu’elle s’en moque, que les gens sont trop mako et que personne n’a à lui dire comment élever son enfant. » Et puis, c’est même pas un vrai tatouage qu’elle porte sur l’omoplate, la gamine ! Juste une décalcomanie ! Pareil pour son piercing, c’est un faux ! Tchiiip ! »
Au bout d’un moment, je la salue et vais rejoindre un groupe de mâles qui, comme moi, sont menacés par la quarantaine, son terrible doigt sondeur de prostate et son démon de midi.
L’un de nous plaisante » Lézom, an pasé douvan lisé la lôtjou, kô a sé ti-fannm la bon, ou ! Yonn sé jou-la, panga an pa fè on bétiz !
– Vou tig’la-sa, yo ké fin pa fou-w lajôl on jou !
– An ja di zôt sé pirina yo ka manjé apwézan ! Yo po-o menm matrité ; yo ja ni tousakifo !
– Mwen pewsonèlman, alè, an ka mandé moun kat didantité a yo !
– Ou ka di sa fwèw ? Mé apwézan sé yo ka rantré siw ! Si tèt-aw pa si zépôl-aw yo k’enn chayé-w kon siklôn ka chayé tôl !
– Dapwé mwen, lè nou té jenn tiboug, sé chèw la pa té byen pôtan konsa
– Sé vwé-aw ou, timal ! »
Je souris en repensant à nous, jeunes adolescents inexpérimentés et voraces. Je repense à nos condamnations offusquées lorsque de vieux notables libidineux ralentissaient dans leurs cylindrées de luxe, bavant des litres sur la portière en matant nos copines devant le lycée. Je repense à nous jurant, craché, que jamais nous ne deviendrions comme eux. Et voilà qu’aguerris, roués, rompus aux arcanes de la séduction, il suffirait qu’on nous pousse légèrement du coude, qu’on papillonne du cil avec insistance pour que …
La petite fille passe devant nous en riant comme une cascade. Nous nous taisons mais nos visages en disent long. Je romps le silence » Elle n’a que six ans et elle est déjà armée comme un bombardier lourd. Moi, ça me dérange. An ka di zôt sa, franchman, sa ka jéné mwen.
– Ka ou vé fè, man…
– Sé timoun a ki moun ? I pani fanmi?
– C’est vrai que là … y’a du laisser aller… »
S ûrement la mère m’en voudra en lisant ces lignes. Ce n’est pas bien grave. Il faut toujours miser sur l’intelligence humaine.
Je ne suis pas un saint, pas bégueule pour un sou. Bien que marié et amoureux, je compte, aussi longtemps que possible, frémir sans vergogne au rebond orgueilleux d’un téton dru ou au froissement feutré d’une croupe pneumatique. Qu’elle soit matignon, négresse, syrienne, zindyèn ou békée. Regarder n’est pas pêcher. Si la dame est accorte, peu me chaut qu’elle soit bourgeoise ou rustique à souhait. Je ne suis pas un nostalgique hébété. Je ne crois pas être un ayatollah. Je ne pense pas, comme mon grand-père, que la burqa ferait le plus grand bien aux guadeloupéennes d’aujourd’hui. Je ne crois pas qu’il n’y ait qu’une seule manière qui soit LA bonne manière de guider un(e) enfant. Mais !
Un(e) enfant ne sait rien du monde, ne sait rien des hommes, ne sait rien de la sexualité. Du moins, dans le monde tel qu’il va, cela me semble un idéal salutaire et atteignable que de protéger un tant soit peu l’innocence. Un(e) enfant à besoin qu’on lui laisse vivre pleinement son enfance avec ses douleurs et ses joies… d’enfant.
Mamans et papas d’enfants, ou pa jan sav … Annou véyé si yo kon yo véyé si nou. Ne sous-estimons ni le nombre, ni l’appétit des dévorants.
Le lard (tout comme l’art) est toujours dans l’oeil de celui qui regarde.
Bonne et Heureuse Année 2012 !