Boucan, fanzine caribéen poursuit sa route avec un cinquième numéro. Cette nouvelle édition en ligne a la volonté de faire connaître des artistes dont l’histoire personnelle, la créativité plongent leurs racines dans le » melting pot » caribéen. Ce fanzine élargit l’horizon du microcosme franco-domien bien restrictif. Invitation à Trinidad, Haïti, Cuba, en Guadeloupe à la rencontre de gens qui créent. Pour se connecter : issuu.com/boucan5
» Ce qui m’intéresse en ce moment même, ce n’est pas ce que les choses auraient pu être, ou devraient être, mais ce qu’elles sont et ce que je peux en faire. Ici et maintenant, je suis à ma place, » affirme dans Boucan, l’artiste trinadienne, avec un pragmatisme tout anglo-saxon.
Brianna MacCarthy à laquelle Boucan consacre plusieurs pages, est une plasticienne qui vit et travaille à Trinidad. Elle porte un regard tonique sur le monde. Une force vitale se dégage de cette jeune femme, de son travail et de ses propos dont voici quelques extraits: » Ce n’est pas facile de croire en moi-même. Chaque jour je me réveille en pensant à faire quelque chose, à travailler sur une création. Sachant que j’ai cette liberté d’agir et que c’est un challenge de ne pas la gâcher. »
Ou encore à propos de la femme caribéenne, elle déclare: » Ce que j’aimerais représenter est une forme différente de ce qui est habituellement proposé des Noirs et plus particulièrement de la femme afro-caribéenne. J’aimerais ajouter une touche non exotique et qui ne serait pas représentative d’un combat ou d’une longue souffrance. Juste pour apporter un peu de légèreté, de clarté et partager un peu d’amour. Essentiellement pour exposer cette évidence: le Noir est beau.
En 2003 à la biennale de La Havane, Armando Marino a exposé une de ces vieilles voitures américaines déglinguées, devenues symboliques de Cuba, non pas portée par quatre pneumatiques mais soutenue par une vingtaine de paires de jambes. ( Voir ci-dessus l’image qui illustre cet article)
Humour, détournement, lucidité, cette oeuvre contient tout l’art créatif du recyclage propre à Cuba et aux sociétés qui connaissent ou ont connu la pénurie. A la question : qu’est ce que la peinture ? Armando répond: » Une fenêtre par laquelle on regarde une partie du monde visible ».
Comédien et auteur Guadeloupéen vivant à Paris, Luc St Eloi n’a cessé de militer pour une meilleure connaissance de la culture antillaise, avec cette idée que la culture française ne s’arrête pas aux frontières de l’hexagone. Une certaine éloge de la diversité donc, que le comédien a traduit en créant, entre autres choses, la compagnie du Théâtre de l’Air Nouveau.
Il n’en n’est pas moins désabusé lorsqu’il confie à Boucan: » Il n’y a pas eu de grande ambition culturelle, ni de grand projet nous concernant. C’est triste pour nos enfants, c’est comme si nous vivions pour ne rien laisser demain. »
» Je crée pour alimenter le débat et non pour le résoudre ». Nous avons repris cette phrase de Manuel Mathieu, peintre haïtien vivant au Canada, pour en faire le titre de cet article. La création artistique nous interroge, nous dérange, nous questionne mais n’apporte pas de réponses toute faite. Elle nous rend plus sensibles, plus lucides, éveille des émotions, des plaisirs ou des colères mais ne fait pas le travail à notre place. Un monde sans arts serait irrespirable.
Ce jeune haïtien, artiste, est aussi diplomé d’HEC Canada, un parcours assez atypique qui associe à la nécessaire créativité un sens de la communication et des contraintes du marché.
Proche de Mario Benjamin, autre artiste haïtien, Manuel Mathieu se démarque de la tradition artistique de son pays. Il déclare : » L’art naïf haïtien n’est pas un héritage que je nie, simplement il ne m’intéresse pas. » Parmi ses influences il cite Bacon, Goya, De Kooning.
Pour lire plus longuement sur ces artistes et sur d’autres, connectez-vous à la cinquième édition de Boucan par ce lien : issuu.com/boucan5. Il est également question de Dydier Mannette, un » marqueur de mots » guadeloupéen qui pratique la « poezi-peyi ». Allez voir.