La particularité des élections américaines et d’y associer des référendums. Ainsi, les Etats de Washington et du Colorado ont voté le 6 novembre pour la légalisation du cannabis et Porto-Rico, Etat associé au USA a voté pour être un « vrai » Etat américain.
Dans la Caraïbe le statut de Port-Rico est particulier. L’île a été cédé par les Espagnols aux Etats-Unis en 1898, à l’issue de la guerre hispano-américaine. Contre 20 millions de dollars l’Espagne a vendu ses dernières colonies d’Amériques, Cuba et Porto Rico aux USA.
Depuis 1958, Porto Rico a le statut d’Etat associé. Les Portoricains ont la nationalité américaine mais ne votent pas aux élections présidentielles. Curiosité, des délégués démocrates et républicains portoricains participent aux primaires, mais la population de l’île, seulement citoyenne d’un Etat libre associé au grand voisin, ne vote pas pour élire le président américain. La population vote seulement pour élire un gouverneur local.
A plusieurs reprises ces dernières années – en 1967, 1993 et 1998 – les Portoricains se sont exprimés pour conserver le statut d’Etat associé et ne pas aller plus loin. Puis le 6 novembre dernier dans la foulée des élections présidentielles, ils ont voté à plus de 60% pour que Porto-Rico devienne à part entière le 51em Etat des USA. ( 33% se sont exprimés pour le maintien du statut actuel et 5,5% ont voté pour l’indépendance)
On peut imaginer que le phénomène Obama n’est pas étranger à ce choix, sachant que les Portoricains vivant aux Etats-Unis ( ils sont 4 millions, à Miami et New-York principalement) votent majoritairement démocrate et ont soutenu le président réélu. Une autre curiosité du paysage électoral américain, si les Portoricains sont plutôt démocrates, les Cubains qui ont la nationalité américaine votent plutôt républicain. La communauté d’origine cubaine de Miami a soutenu Romney, car elle a trouvé Obama trop conciliant avec le régime castriste au début de son mandat.
Ce vote à Porto Rico pour un rattachement plus ample aux USA n’est toutefois pas aussi simple qu’il parait.
Le réferendum sur le statut a eu lieu à l’initative du gouverneur sortant, Luis Fortuno, un républicain ultra libéral et conservateur, très proche des idées de Ronald Reagan, qui a imposé ces dernières années à Porto Rico un sévère régime de rigueur avec la suppression de milliers d’emplois de fonctionnaires, l’augmentation du co ût des inscriptions dans l’enseignement supérieur, le tout associé à des incitations fiscales pour attirer les investisseurs.
L’initiateur républicain du référendum, favorable à l’intégration américaine, a été battu le 6 novembre dernier, par son rival Alejandro Garcia Padilla, qui lui, n’est pas favorable à cette intégration. Ce dernier avait demandé à ses électeurs de ne pas répondre à la deuxième question du référendum concernant le choix entre Etat américain, Etat associé ou indépendance. La première question oui ou non à l’Etat associé lui suffisait. Padilla a battu de peu le candidat républicain, mais désormais la machine est en route.
Durant sa campagne, Barak Obama s’est engagé a respecter le vote des électeurs sur le statut et l’avenir de l’île.
Que peut-il se passer maintenant que le vote a eu lieu ?
Le résultat du réferendum n’a pas de valeur juridique, les électeurs se sont exprimés mais seul le congrès américain peut décider ou non du changement de statut de l’île.
Si Porto Rico devient le 51em Etat des Etats-Unis il en résultera deux sièges supplémentaires au Sénat, cinq nouveaux membres à la chambre des représentants américains et une poignée de grands électeurs, le tout à forte tendance démocrate. C’est la raison pour laquelle le Parti Républicain n’a jamais trop insisté pour que la grande île change de statut; raison aussi pour que les démocrates et Obama, soient plutot favorables à cette évolution.
Bref les enjeux sont complexes et paradoxaux.
La seule certitude si l’on s’en tient aux chiffres du référendum, c’est que les indépendantistes portoricains ne percent pas.
La situation économique et sociale du pays, fragile, caractérisée par un chômage important et des aides en millions de dollars de l’Etat fédéral américain, explique en partie le choix des Portoricains. Le grand voisin certes, un peu envahissant et aussi un gage de stabilité. Porto-Rico seul, avec ses quatre millions d’habitants s’en sortirait-il mieux, qu’avec la » tutelle » étasunienne.
Autre facteur sans doute décisif, les Portoricains sont plus nombreux à vivre aux Etats-Unis que dans leur île d’origine. En plus d’un siècle les liens familiaux, personnels, économiques, historiques, culturels, les échanges se sont imbriqués à tel point entre les deux territoires qu’il semble bien difficile de les dénouer aujourd’hui. Alors, y aura-t-il bientôt un vrai Etat américain dans la Caraïbe ?