La décharge de la Gabarre n’est pas fermée et la plateforme de traitement qui devait fonctionner en 2013 est annoncée pour 2016. Alors qu’on « élucubre » sur le Projet guadeloupéen, un rapport des » Robin des Bois » (1) publié en 2011, fait état d’un passif considérable. Les 10 et 11 janvier se déroule à Jarry les « Assises des déchets » : le temps de l’action serait-il arrivé ? La décharge de la Gabarre en Guadeloupe, située sur la commune des Abymes, à deux pas des zones habitées de Raizet et de Grand camp, n’a pas fermé le 31 décembre 2012. Ces hectares de mangrove et de zones humides bordant la rivière salée qui reçoivent depuis des années les déchets de tout l’archipel vont rester pour quelques années encore une « tache » dans le paysage caché de l’île aux Belles Eaux. Le Sictom, syndicat mixte qui gére les déchets pour les communes de la Guadeloupe a été forcé de demander une prolongation d’utilisation à l’Etat. Celui-ci est bien forcé de l’accorder, car o๠déposer les 300 000 tonnes de déchets annuels produits par les habitants de l’île, en l’absence de plateforme de traitement et de recyclage. La prolongation est accordée mais le site de la Gabarre doit être mis aux normes, un euphémisme quand on sait comment sont accumulés là depuis des décennies, des déchets de tous ordres, mêmes des déchets à risques ( carcasses, batteries de voitures etc) » Désormais, rien ne sera plus comme avant » assure le Sictom dans un dossier de presse explicatif. Croyons-le. De fait les travaux de réhabilitation du site ont sensiblement amélioré la situation: on a posé des drains, des couches étanches et un début de revégétalisation est visible. Mais il reste à faire.
Une plateforme environnementale multifilières de traitement des déchets ménagers et assimilés aurait du entrer en activité en 2013. Il faudra attendre dans le meilleur des cas 2016 pour la voir fonctionner. En effet, la « première pierre », posée sur le chantier en avril 2011 n’a jamais vu arriver la seconde. Chantier en panne. Le contrat de délégation de service public attribué en 2008 au groupe privé Urbaser (2) a été rompu pour » retard » dans le chantier assorti d’un avenant au contrat qui exigeait une augmentation du budget de 23%. Le budget initial fixé à 170 millions d’euros passait à 210 millions d’euros. Tout ça pour une plateforme qui n’existe toujours pas.
Le Sictom a rompu le contrat et lancé un nouvel appel d’offre en octobre 2012, au final, quatre ans de perdus et le risque, semble-t-il écarté, de voir s’envoler les aides européennes: le Feder finance à hauteur de 52 millions d’euros mais réclame des résultats et une programmation tenue.
Le 10 et 11 janvier 2013, le Sictom organise à Jarry les 1er assises des déchets, sur le thème: » 2012-2017, quels défis pour le Sictom ? » Il y aura des prises de paroles, des débats, une visite sur le terrain, la présentation d’un site internet destiné à informer la population, bref un plan communication bien monté.
C’est le signe, faut-il espérer, que la Guadeloupe, au-delà de la « communication », entre enfin dans un cercle vertueux de réflexion et d’action qui la dotera des équipements nécessaires à la préservation de son environnement. A ce jour, le territoire a un retard considérable et on mesure sans doute mal l’impact de ce retard sur la qualité de l’air, de l’eau, des sols, des nappes phréatiques et en conséquence sur la santé publique.
L’énergie que met aujourd’hui le Sictom à avancer sur ses projets est à la mesure du passif. Le droit à l’erreur est épuisé.
En avril 2011, l’association de défense de l’environnement Robin des Bois (2) a rendu un rapport très complet sur les » Déchets en Guadeloupe, constats et perspectives ». Une centaine de pages documentées font le point sur le passé et le présent. Tout n’est pas à charge, les efforts faits en matière de déchetteries ( Saint-François, le Moule etc .) sont mentionnés, de même que le site de Sainte-Rose qui est, d’après ce rapport : » Le seul site de stockage des déchets aux normes dans toute la Guadeloupe ». La situation décrite pour l’ensemble de l’île n’en est pas moins alarmante.
Voici quelques lignes extraites des conclusions des Robin des Bois :
» A première vue, l’affaire semble simple, entendue : les déchets de l’archipel guadeloupéen sont produits sur place. Les services de contrôle technique et financiers de l’Etat veillent à ce qu’il n’y ait pas de fausses notes sur le terrain et de dérives dans les livres comptables. L’Ademe est présente pour surveiller le bon usage des subventions qu’elle accorde etc, etc. »
» A l’examen, l’affaire est plus compliquée.
– Le passif laissé par la ronde des préfets, les négligences de la Direction de la santé et du développement social et le manque de moyens techniques et financiers des communes sont lourds.
– Les forces vives des éco-organismes ou des systèmes équivalents dédiés à la collecte et à la valorisation des consommables, des déchets agricoles et de tous les autres déchets soumis à la responsabilités élargies des producteurs, n’ont mis que récemment les pieds dans l’archipel, sauf peut-être pour venir en vacances.
– Des élus alimentent des guerres picrocholines au détriment de l’intérêt général. Le Sictom de l’agglomération pointoise qui a la haute main sur le flux principal des déchets collectionne les erreurs, les incompétences et les irrégularités de tous types.
– Le pouvoir de police des maires est peu exercé: les déchets s’abattent en nuées sur les falaises, les mangroves etc, etc. »
Le châpitre concernant les anciennes décharges autorisées ( Gabarre, Baillif, Saint-François) ou sauvages comme celle de Petit Canal, à la Darse o๠4 hectares de mangrove ont été comblés en toute illégalité avec 40 000 m3 de déchets de tous ordres, Saint-Anne jamais autorisée o๠200 000 m3 de déchets seraient enfouis etc, n’est pas rassurant. Qu’en était-il durant toutes ces années des eaux de ruissellement, de l’impact sur les nappes phréatiques ? Aucune enquête ne le dit. L’administration et les élus qui ont laissé faire sont responsables, mais tout autant la population qui pendant des années s’est débarrassée de manière irresponsable de déchets souvent très toxiques comme les batteries automobiles, les seaux de peinture qu’on trouve encore, enfouies dans les gravats, la terre et la végétation sur les sites d’apports anciens.
Ces décharges sont aujourd’hui officiellement fermées et ce constat date de 2011. Puisqu’il faut parier sur l’avenir et garder une part d’espoir gâgeons que la prise de conscience tant de la population que des élus a fait un bout de chemin depuis le passage des Robin des Bois.
devrait être au coeur du » projet guadeloupéen »
Car au fond de quoi s’agit-il ? Peut-on hypothéquer sans fin sur le nom du futur président de la collectivité unique, sur les emb ûches et les jeux de couloirs, sur un » projet guadeloupéen » déconnecté de la réalité, sur l’article 73 ou 74 et le niveau de dépendance dans lequel doit rester ou pas la Guadeloupe vis à vis de l’Europe, quand le minimum pour assurer la qualité des sols et de l’eau n »est plus assurée en Guadeloupe. A quoi sert la politique sinon à assurer le meilleur possible pour la cité et ses habitants ? La protection des hommes et de l’environnement devraient être au coeur du fameux « projet guadeloupéen ».
« Au regard de la fréquence des incendies sur la Gabarre, on peut estimer qu’un incinérateur sauvage à ciel ouvert a été en activité en Guadeloupe pendant plus de 30 ans » écrivent les deux rapporteurs de l’association Robin des Bois qui ajoutent, tout en préconisant, en 2011, de saisir l’institut de veille sanitaire : » aucune enquête épidémiologique n’a été menée pour évaluer l’impact sanitaire chronique de la décharge de ses incidents et accidents sur les populations riveraines depuis près de 40 ans. »
« Plus rien ne sera comme avant » dit aujourd’hui le Sictom. C’est le minimum, l’avant n’ayant rien de flatteur pour ceux qui avaient à prendre des décisions et ne les ont pas prises. 2016 est, cette fois, la date fixée dans le calendrier pour l’ouverture à la Gabarre d’une plateforme multifilière de traitement des déchets. Le rendez-vous est pris.
(1) L’intégralité du rapport peut être consulté sur le site internet des Robin des Bois:
www.robindesbois@org
Les » Robin des Bois » est une association créee en 1985, s’étant fixé pour but la protection de l’homme et de l’environnement. Elle est basée à Paris, c’est l’une des plus ancienne association de défense de l’environnement. Très critique, elle est aussi force de proposition.
(2) La Guadeloupe n’est pas le seul territoire avec lequel, Urbaser, société de traitement des déchets affiliée à un groupe espagnol a des problèmes. Un contrat a été résilié avec deux départements de l’hexagone la Drome et l’Ardèche. Et l’entreprise a des difficultés ( augmentation considérables des co ûts) avec MPM, Marseille-Provence-Métropole dont elle gère les déchets.