« I have a dream » de Martin Luther King droits réservés jusqu’en 2038. Explications

Les droits d’auteurs sur le discours fondateur de Martin Luther King sont réservés pour 25 ans encore. Mais quand, le rêve d’égalité du pasteur, entre Noirs et Blancs aux USA, sera-t-il exhaussé? Ce n’est pas le cas en 2013, dans l’Amérique d’Obama.

 L’Amérique de Barak Obama s’est souvenue ce mois d’ao ût 2013 du discours du pasteur Martin Luther King, prononcé le 28 ao ût 1963 à  Washington, devant le mémorial Abraham Lincoln.

200 000 personnes s’étaient réunies ce jour là  pour écouter le pasteur King. La foule, digne et recueillie était composée de 90% de Noirs venus de tous les Etats-Unis et de 10 % de Blancs. « Nos journaux nous avaient envoyé sur place plus pour assister à  de possibles débordements que pour écouter le discours de King », se souvient un journaliste américain, alors stagiaire au Washington-post.  » Nous nous préparions à  des émeutes, nous ne pensions pas vivre ce jour là , un moment important de l’histoire américaine. »

Tous les comptes-rendus de l’époque décrivent les mêmes scènes. Aucune agitation ne régnait parmi ces 200 000 personnes venues en famille, par petits groupes participer à  cette marche. Elégamment vétue, digne, l’élite de la communauté noire américaine venait réclamer reconnaissance et justice pour les siens. Il n’y a pas eu de débordement, à  la fin du meeting en une demie heure la foule s’est dispersée.

La légende dit que ce discours, l’un des plus émouvants de l’histoire politique contemporaine, a été en partie improvisé. Les grandes lignes sont écrites, mais la répétition scandée  » I have a dream » aurait été improvisée. Le pasteur depuis plusieurs mois songeait à  inclure un passage sur « son rêve » dans ses allocutions. Il a testé l’idée quelques mois plus tôt à  Détroit en clamant à  la tribune:  » J’ai rêvé cet après-midi, ici même à  Détroit, que les  » Negroes » pourraient acheter une maison, louer une maison o๠que leur argent pourrait le leur permette et qu’ils pourraient avoir du travail … » Cinquante ans plus tard, Détroit, jadis la grande ville de l’automobile et du rêve américain, est peuplée à  80 % de Noirs, elle est en faillite, connait un des plus forts taux de chômage des USA et compte des milliers de logements vides ou abandonnés. Est-ce la fin du rêve ?

Le rêve de King n’est pas réalisé. Le sera-t-il ?

L’institut Pew Research Center a réalisé une étude sur les conditions de vie des Blancs et des Noirs aux Etats-Unis. En matière d’éducation et de santé, les inégalités existent mais tendent à  diminuer. En revanche les inégalités économiques s’aggravent continuellement.

Entre 1967 et 2011 l’institut observe que le revenu moyen d’un foyer noir de trois personnes est passé de 24 000 dollars à  40 000 dollars. En pourcentage cela représente 59 % du revenu moyen d’un même foyer blanc et l’écart entre les deux à  tendance à  se creuser par rapport aux années 60.

En 1954 le chômage frappait 9,9% des Noirs et 5% des Blancs; en 2013, c’est 13,4% des Noirs et 6,7% des Blancs. La parité économique et sociale entre les deux communautés n’est pas atteinte et le chemin à  parcourir, en temps de crise, reste long.

 » Quand le marché de l’emploi se reserre, quand la crise est là , notait récemment un économiste dans la presse américaine » les Noirs sont les premiers à  être licenciés et les derniers à  être recrutés. » Barack Obama n’a pas infléchi cette tendance lourde, inégalitaire, qui marque la société américaine. Il en a pris acte dans son discours prononcé le 28 ao ût dernier:  » Quel est l’avantage pour un homme qui a le droit de s’assoir à  la table du restaurant, mais n’a pas les moyens de payer le repas » ? C’est ce qu’ aurait demandé le Dr King, en voyant l’Amérique aujourd’hui » interroge le président des Etats-Unis, sans apporter de réponse. L’obtention des droits civiques n’a pas tout résolu.

« I have a dream » sera libre de droit en 2038

Un discours prononcé en public et diffusé par les médias tombe théoriquement dans le domaine public. Ce n’est pas vrai pour le discours de Martin Luther King considéré par la loi américaine sur les droits d’auteurs comme une « oeuvre » au même titre qu’un concert ou une création artistique. Il y a une explication à  cela.

Depuis 1963 plusieurs litiges juridiques se sont produits autour de ce texte. Le premier en décembre 1963, quelques mois après le discours. Deux compagnies de disque ont enregistré le discours et vendent les 17 minutes de lyrisme inspiré sur microsillon. Le révérend King est ulcéré et poursuit en justice les deux compagnies. Il gagne et obtient l’exclusivité sur les droits d’auteur. Son but est alors de contrôler les revenus potentiels et de les verser à  la cause des droits civiques. A partir de ce jour, King, puis ses héritiers ont un droit de regard sur toutes les utilisations du discours et vendent les droits. Il leur est arrivé de vendre les droits pour des publicités, ce qui a pu sembler choquant . En 1999, les héritiers ont gagné contre CBS etc. En 2009 la gestion des biens de Martin Luther King a été confiée à  Emi publishing qui appartient au groupe Sony. Le business, l’histoire et la politique ne sont jamais très éloignés les uns des autres aux Etat-Unis.

Emi a fait à  plusieurs reprises enlever la vidéo du discours sur You tube, elle s’y trouve toujours d’ailleurs. Il est difficile de faire appliquer strictement la loi sur internet, même à  une grande compagnie, surtout lorsque cette loi au fond est discutable.

Peut-on vraiment considérer ce discours comme une  » propriété privée » ?

Luther King répond à  la question dans sa lettre écrite à  la prison de Birmingham dont voici un extrait :  » Obéir aux lois est un but légal et une responsabilité. Inversement il est une responsabilité morale de désobéir aux lois injustes. »

Je refuse d’admettre …

 » I have a dream  » est le plus connu des textes de King, mais il en existe d’autres qui font entendre cette « autre voix » au ton si différent, si rare dans les propos et les actes des hommes politiques nord-américains. Ci-dessous, l’extrait du discours de Luther King prononcé à  Oslo en 1964, lorsqu’il a reçu le prix Nobel de la Paix.

« – Je refuse d’admettre que l’humanité ne soit qu’une épave ballotée sur l’océan de la vie

– Je refuse d’admettre que l’humanité soit si tragiquement vouée à  la nuit privée d’étoiles du racisme, de la guerre, que l’aube brillante de la paix et de la fraternité ne puisse jamais poindre

– Je refuse d’admettre l’affirmation cynique que chaque nation sera tour à  tour aspirée vers la bas par la spirale militariste jusque dans l’enfer de la destruction thermonucléaire.

– Je crois que la vérité désarmée et l’amour désintéressé auront le dernier mot dans le monde des réalités. C’est pourquoi, même s’il est provisoirement bafoué, le bon droit sera plus fort que le mal triomphant.

– Je crois que même au milieu du fracas des mortiers et du sifflement des balles, il y a place pour l’espoir de lendemain plus lumineux.

– Je crois que la justice blessée, gisant inerte dans les rues ensanglantées de nos nations, couverte de poussière et de honte, peut encore être relevée pour régner en souveraine sur les enfants des hommes.

– J’ai l’audace de croire que partout les peuples peuvent avoir

trois repas par jour pour nourrir leur corps,

une éducation et une culture pour nourrir leur pensée,

la dignité, la liberté, l’égalité pour nourrir leur esprit

– Je crois que des hommes inspirés par l’amour du prochain pourront reconstruire ce qu’on détruit des hommes inspirés par l’amour de soi …. »

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour