Jusqu’au 30 novembre, le collectif Rip Art propose une exposition au Fort Fleur d’épée au Gosier en Guadeloupe. Ce collectif présente le travail de quatre » rippeuses » qui collectent, détournent, assemblent des matériaux pour leur donner un autre sens. Elles nous invitent à les suivre dans leur cheminement poétique.
Petites mains et des idées à revendre, elles sont quatre » ripppeuses » – Félie Line Lucol la présidente, Laurence Roussas, Ruti Russelli et Christelle Urgin- qui collectent, assemblent et détournent des matériaux au rebut. Au sein d’un collectif : Rip Art.
Mais pourquoi avoir choisi comme titre de leur exposition, » Imposantes légèretés » ?
Une exposition superbe, ludique, drôle au premier abord. A voir absolument. Et à revoir au besoin. De préférence à la tombée du jour. Parce que ce moment est propice à la perception de cet entre-deux, entre clarté et obscurité, o๠se niche l’hésitation entre ce qui apparaît comme réel, et ce qui relève de l’imagination. L’exposition devient alors plus » trouble « , plus troublante.
Plutôt qu’imposantes , les « Légèretés « qui nous sont dévoilées ne seraient-elles pas » Inquiétantes » ?
Certes, les oeuvres exposées sont pour la plupart de grandes dimensions, ce qui renvoie au sens courant du terme. Sans être pour autant monumentales. La « légèreté » de certains matériaux choisis, tels les bouchons de plastique ou l’aluminium, la suspension de tels autres éléments comme des cerclages vides, renvoient à cet état. En associant à ce terme l’adjectif « imposant(e) », qui évoque à l’opposé quelque chose de massif, ne crée-t-on pas alors un effet poétique de nature oxymorique ?
Lorsqu’une personne ou une oeuvre est » imposante « , elle en impose, c’est-à -dire qu’elle suscite le respect. Une oeuvre d’art doit-elle donc susciter le respect, devrait-elle être respectueuse ? Ne doit-elle-elle, avant tout, chercher à créer une émotion, en brisant au besoin les tabous relatif à ce qui est » sacré » ?
En définitive et pour tout dire, une oeuvre d’art ne doit-elle pas chercher à » inquiéter « , c’est-à -dire à inviter tout un chacun à revoir sa façon de penser et ses certitudes, à commencer par celles qui concernent l’Art ?
Et si, en redonnant vie (et noblesse) aux déchets de notre quotidien, l’Art permettait, comme par magie, de donner sens à cet environnement quotiden ?
L’exposition, tout en tirant profit de l’espace qu’offre le fort, nous conduit à le voir différemment, attirant notre regard sur un mur qu’un amoncellement de ferrailles transforme en » Barricade » , ou sur l’inclinaison d’un arbre sur lequel gravite un étrange animal (aux écailles fait de boites de sardines), ou encore sur la fente secrète d’un arbre. Cet espace parce qu’il est un lieu de mémoire se voit donc » chargé » d’une histoire, une histoire lourde à laquelle renvoient les souterrains remplis de monstres. Mais c’est aussi un espace » aérien « , ouvert sur l’extérieur, la mer, le vent, le ciel. Un espace double, propice à l’expression d’un imaginaire qui renvoie aux croyances caribéennes, à ses mythologies. C’est-à -dire à sa façon d’appréhender le réel, et d’y voir autre chose que la présentation réaliste de ce qui nous entoure, si » imposante » fut-elle.
» Inquiétantes « , les installations attirent à elles au moyen de chuchotements ( » Ecumes du vent « ), entraînant le passant dans ses cercles, ses » won » posés à même le sol, dont l’ombre semble (pour)suivre le promeneur.
Chatoyantes et colorées, elles surgissent à l’improviste et séduisent le passant, le guidant insensiblement, à travers des souterrains, vers un lieu d’initiation que protègent d’étranges oiseaux. Un lieu dont il lui faudra s’arracher. Sans y laisser de plumes, c’est-à -dire en emportant avec soi bouteilles et capsules. Pour les jeter dans une poubelle qui, elle aussi, a été transformée en oeuvre d’art.