L’université Antilles-Guyane traverse une crise dévoilée par un rapport de la cour des Comptes qui pointe des pratiques douteuses et informe la population, la société civile, nous-mêmes donc, que les comptes de l’université ont disparu. Des sommes importantes sont en jeu. Au profit de qui ? Le silence de l’Etat est étonnant. Des informations assumées ou anonymes circulent sur la toile. Extraits.
Philippe Verdol, maître de conférence en économie à l’université Antilles-Guyane a dénoncé il y a quelques jours l’existence » d’un système mafieux à l’UAG ».
Dans un courrier au vitriol il accuse des membres de l’université, qualifiés de » parrain et de filleuls » de détournements de fonds en totale impunité. Il déclare que » l’intimidation, la corruption et l’omerta » existent à l’UAG et que le « parrain » serait lui-même protégé « au plus haut niveau ».
Philippe Verdol est cruel. Il écrit: » Le récent rapport de la cour des comptes nous renvoient une image qui est celle d’intellectuels corrompus, sévissant dans une lointaine université coloniale … »
En Martinique, une pétition circulent signée par des étudiants, des employés de l’université, des enseignants, des chercheurs, de membres de la société civile. qui attendent « des réponses claires » sur l’avenir de l’ex-UAG.
Les signataires qui soutiennent la Présidente légitime Corinne Mencé-Caster, dénoncent d’étranges turpitudes et en appellent à l’Etat Français afin « qu’il prenne ses responsabilités ». A ce jour aucune plainte ne semble avoir été déposée. Voici le texte de la pétition.
La crise actuellement traversée par l’Université des Antilles et de la Guyane n’implique pas seulement de repenser les aménagements institutionnels qui lient ses trois pôles. Quelle que soit la forme que prendra à l’avenir l’université dans nos régions, nous tenons à affirmer qu’aucune sortie de crise ne sera satisfaisante si elle ne débouche pas dans le même temps sur un assainissement radical de l’établissement.
Des agissements très graves impliquant des membres de l’université ont été mis en évidence dans le rapport de la Cour des comptes remis à l’établissement en janvier 2013 , par exemple :
– captation douteuse de fonds structurels européens : doutes émis par la Cour des comptes sur l’exécution intégrale et la réalité des dépenses consenties pour certaines opérations (p. 58-59 du rapport de la Cour des comptes). Au moins un projet était déjà totalement terminé au moment o๠un dossier de fonds européens a été monté (p. 61 du rapport). A quoi ont donc servi les fonds ? (p. 71 du rapport, la Cour des comptes stipule que les «conditions de réalisation [de ces opérations] font courir des risques juridiques et financiers sérieux à l’UAG»).
– montage douteux d’opérations : non-respect des règles relatives aux marchés, émission de deux signatures différentes par la même personne (p. 70 du rapport).
– dilapidation d’argent public : par exemple, plus de 8000 euros de téléphone pour un seul numéro de mobile (p. 65 du rapport)
– montage financier douteux d’opérations de recherche : des projets différents avec des annexes financières identiques permettant de disposer de fonds importants sans objet de dépenses réel (opérations de nature totalement différente, pourtant leurs co ûts prévisionnels, le détail des poste de dépenses, ainsi que les subventions octroyées sont parfaitement identiques, p. 68 du rapport) ; o๠sont les complicités ?
– affairisme sans retombées universitaires : en quoi ces dizaines de projets ont-ils fait avancer l’université ? L’affairisme a contribué à salir son image : on parle aujourd’hui dans les médias du parrain et de ses filleuls, de mafia organisée.
– cumul illégal d’activités et de rémunérations : source d’enrichissement personnel ? Il faut enquêter sur les prestations exactes fournies à travers l’analyse des remontées de factures qui rapportent gros.
-intimidation et menace de collègues : arrogance du directeur de laboratoire et de ses affidés ; insultes ; irrespect des collègues qui font leur travail sérieusement.
– faux en écriture : le rapport signale des signatures non-identifiées (p. 69-70).
– Complicités avérées : en 2007, une mascarade de conseil de discipline a été organisée et les sanctions prises ont été ridicules.
Nous disons STOP !
Ces errements et malversations s’ancrent dans la durée, sans que jamais les individus mis en cause n’aient été réellement inquiétés. Des actes aussi graves ont déjà été dénoncés dans de précédents rapports de la Cour des Comptes. On peut dès lors s’inquiéter de l’absence de réaction des pouvoirs publics pour sanctionner ces agissements répétés. O๠est l’Etat dans cette affaire ?
à€ l’inverse, il est intéressant de noter qu’à chaque fois qu’une dynamique d’assainissement a été ébauchée, on a assisté à des manÅ“uvres de déstabilisation, voire d’empêchement des gouvernances de l’UAG qui s’y sont attelées. C’est la situation à laquelle nous sommes de nouveau confrontés aujourd’hui. C’est en effet au moment même o๠devait débuter un audit financier qu’une crise grave éclate à l’UAG. Que fait l’Etat ?
Il est grand temps que soit mis un terme à ces agissements et que cesse leur absence de sanction forte et effective, pour que l’université puisse enfin se développer sur des bases assainies sur nos territoires et pour restaurer la confiance des populations dans cette institution.
L’impunité ne peut plus durer !
Au vu de ces éléments, les signataires exigent :
– qu’il soit immédiatement mis un terme définitif aux pratiques malhonnêtes dénoncées dans le rapport de la Cour des Comptes de janvier 2013 (p. 55-72) ;
– que toute la lumière soit faite sur les errements dénoncés dans plusieurs rapports de la Cour des comptes ;
– la mise sous tutelle immédiate du laboratoire CEREGMIA, qui sert d’officine à ces pratiques : comment un laboratoire présentant de tels dérapages peut-il être reconduit à chaque fois, sans complicités internes ou externes ? Que font les organes de contrôle de l’Etat ?
– des sanctions appropriées à l’encontre de tous les responsables et bénéficiaires des malversations dénoncées, dont les ramifications s’étendent sur les trois pôles de l’UAG et au-delà ( ?).
Pour ce faire, les signataires réclament :
-que la Présidente et le Conseil d’administration prennent toutes les mesures conservatoires requises au vu des premiers résultats de l’enquête qui a été évoquée ;
– que l’Etat et ses représentants prennent enfin leurs responsabilités afin de faire cesser des pratiques mafieuses qui gangrènent l’UAG depuis des décennies ;
– que la Cour des Comptes aille jusqu’au bout de sa démarche d’enquête, par la mise en Å“uvre d’une procédure pénale ;
– que la mission d’inspection générale sur le CEREGMIA revienne dans l’établissement dans les plus brefs délais afin de faire la lumière sur les pratiques qui y ont cours ;
-que les collectivités et organismes publics s’impliquent ouvertement et activement dans cette démarche d’assainissement.
– Les signataires invitent tous les citoyens épris de justice et soucieux du devenir de leur université à signer eux aussi cet appel (uag.pourdesbasessaines@gmail.com) pour dénoncer publiquement et sans ambiguïté une organisation mortifère qui, bien au-delà de l’établissement, porte préjudice à la jeunesse de nos trois territoires et au développement local.
Les pages 55 à 72 sont concernées.
(1) « Manjé cochon » peut se traduite du créole au français par la tambouille, la soupe. Dans ce cas proche de l’expression » aller à la soupe »