Comment est rendu la justice en Guadeloupe ? Un autre compte-rendu d’audience, cette justice au quotidien, qui place Pointe-à -Pitre bien loin de Montévidéo. Explications.
– Tribunal correctionnel de Pointe-à -Pitre, le 26 février 2014
Pierre1, 40 ans, se présente à la barre dans une affaire de violences volontaires réciproques avec arme. Une histoire de voisins qui remonte à … 2007 ! La confusion s’installe. La juge n’arrive pas à mettre la main sur le dernier jugement en date concernant le prévenu. Greffiers et substitute du procureur s’en mêlent … Un dossier manifestement préparé à la va-vite qui aboutit à un nouveau renvoi. S’il arrive fréquemment que la justice déraille faute de temps (et de moyens cela va sans dire), il se trouve qu’elle traîne parfois des pieds.
Au vu de l’affaire qui suit, on peut le comprendre. La salle s’est vidée, enfin presque… Un homme d’une quarantaine d’années, coiffure rasta, ne comprend pas ce qui se passe. Le greffier lui demande ce qu’il attend. » Eh bien, j’ai été convoqué ! » répond-il incrédule. La juge lui fait signe de s’avancer. C’est la deuxième fois que Dominique se présente au tribunal en quelques mois. La première fois, il avait obtenu un renvoi afin de bénéficier de l’aide juridictionnelle. » Vous n’avez personne pour vous défendre aujourd’hui ? » Le prévenu raconte sa quête infructueuse et confie, amer : » L’avocat que j’ai contacté m’a dit que je devais le payer avant « .
Silence gêné du juge et de la substitute du procureur. Un silence qui en dit long sur l’état de la justice en Guadeloupe. » Vous acceptez quand même d’être jugé ? « . » Euh … » La substitute, magnanime : » Le parquet ne sera pas très agressif étant donné le dossier ».
Dominique accepte de s’expliquer sur le fait d’avoir conduit un véhicule sous l’emprise de stupéfiants. Suspendu de permis pour six mois, l’accusé se montre convaincant : » Je consomme du cannabis régulièrement mais sans excès comme ceux qui boivent un verre de vin par jour. Je ne fume pas quand je conduis. D’ailleurs, ce jour-là , j’avais fumé uniquement la veille « .
La substitute confirme ces dires : » L’examen montre que vous en aviez pris la veille, c’est exact mais il reste longtemps dans le sang et vous êtes un consommateur régulier « . Le réquisitoire devient alors moralisateur : » Fumer du cannabis est interdit, au même titre que prendre de la cocaïne. Sur la route, l’usage de stupéfiants est dangereux, pour l’usager comme pour les autres « . Puis illustre l’échec d’un Etat tartuffe qui se refuse à en finir avec une répression inefficace : » Peut-être que la législation évoluera un jou … Mais en attendant je demande la confirmation de la suspension de six mois « .
Dominique, affecté, proteste : » Je viens de revenir de métropole, j’essaye de lancer mon entreprise d’agro-transformation, si vous me retirez le permis, je vais avoir de vraies difficultés ! ». 4 mois de suspension et 500 euros d’amende.
Montevideo est bien loin de Pointe-à -Pitre ! (1)
(1) Le 23 décembre dernier, le président uruguayen José Mujica a approuvé un projet de loi visant à crééer un marché réglementé du cannabis. Il devient ainsi le premier chef d’Etat à autoriser sa production et sa vente (en pharmacie), prenant acte de l’échec patent de la politique anti-drogue prescrite par les Etats-Unis sur le continent latino-américain.