Les indépendantistes québécois ont subit un échec électoral en mars dernier. Les électeurs, surtout les plus jeunes, n’ont pas suivi leur repli sur l’identité et les » valeurs québécoises ». Ce qui s’est passé au Québec est le signe d’un monde dans lequel les partis politiques vieillissent vite tandis que les valeurs et les lignes bougent. « Quel avenir à l’indépendantisme ? »
En septembre 2013, une manifestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes a défilé dans les rues de Montréal contre la charte des valeurs québécoise, avec des slogans très hostiles à Pauline Marois, leader du parti québécois. Toutes les composantes qui font la diversité de la société québécoise étaient dans la rue pour s’opposer à des mesures qui tendaient à stigmatiser une religion en particulier, l’Islam, en interdisant aux fonctionnaires et employés de services parapublics le port de signes religieux. Ce qui peut paraitre juste à quelques uns en France, pays d’une « laïcité exclusive », ne l’est pas au Québec et encore moins au Canada anglophone, pays d’une « laïcité inclusive ».
Six mois plus tard, le parti québécois est en déroute électorale, les souverainistes du PQ ont perdu le gouvernement, battus très largement par le parti libéral.
Il peut paraître étonnant que le parti québécois, ancré à gauche à son origine, à la fin des années 1960, perçu comme démocrate et progressiste, fasse figure cinquante an plus tard de parti conservateur qui n’est plus suivi par les moins de 40 ans.
Le parti québécois de René Levesque était social-démocrate et nationaliste. Au sens québécois du terme, c’est à dire porteur d’un « nationalisme civique » qui n’excluait pas mais visait la création d’un Etat souverain francophone en association économique avec le reste du Canada anglophone.
En quelques décennies ce parti a changé, passant par une forme de néolibéralisme qui lui a co ûté les élections de 2007, puis de frilosité à l’égard de la diversité culturelles et religieuse des populations étrangères venant s’installer au Québec. Les partisans du Québec libre sont apparus progressivement comme des souverainistes conservateurs, manquant d’ouverture et d’empathie vis à vis des immigrés. Alors que l’histoire du Quebec est fondée sur l »immigration de gens de toutes origines venus vivre une vie nouvelle, prendre un nouveau départ. La plupart des Québécois ne l’ont pas oublié.
Le Parti Québécois a cru pouvoir instrumentaliser les » valeurs québécoise » en polarisant son discours sur la francophonie et la menace d’une dilution de l’identité nationale dans une société multiculturelle. Les indépendantistes québecois se croyaient porteur d’avenir et de progrès sur ces thèmes, majoritaires, les sondages les donnaient gagnant, des sommes importantes avaient été investies en communication pour convaincre la population, cela n’a pas suffit.
C’est cela, plus les objectifs séparatistes, toujours présents, qui ont co ûté les élections et le poste de premier ministre à Pauline Marois et ses partisans.
En 2014, les valeurs du parti Québécois – souveraineté nationale, identité francophone – ont perdu de leur signification. Les générations montantes sont pragmatiques, tolérantes et assez fortes pour ne pas craindre l’arrivée de migrants porteurs d’autres pratiques culturelles ou religieuses. Ainsi la charte de Pauline Marois inspirée du modèle français de laïcité n’est pas passée de ce côté ci de l’Atlantique.
En votant pour les libéraux les Québécois ont dit que le multiculturalisme ne les inquiéte pas et que l’idée d’un Etat québécois souverain si elle ne doit pas être abandonnée, n’est pas urgente. Bref, remise à plus tard, peut-être à jamais.
Ce choix des électeurs posent une vraie question aux souverainistes du PQ : comment dans l’avenir vont-ils se positionner face aux autres partis. Sur quels objectifs, sur quelles valeurs ?.
Le Parti Québécois est confronté à une injonction paradoxale : le volonté d’accéder au pouvoir, sur la base d’un projet – le séparatisme – que ne souhaite pas la majorité de la population du pays. Comment gérer ce paradoxe et l’effondrement électoral qui va avec. Le séparatisme est-il passé de mode, est-il d’une autre époque ?
Si on veut tracer des perspectives, s’appuyer sur l’ailleurs, sur l’autre, pour se comprendre soi-même – ce qu’on aime faire sur ce site – la situation des souverainistes québécois n’est pas sans rappeler celles des souverainistes/indépendantistes martiniquais qui aux dernières élections municipales, ont subit un revers, ou celle des indépendantistes guadeloupéens devenus invisibles dans le paysage électoral de l’archipel. Garcin Malsa, souverainiste martiniquais, a perdu la mairie de Sainte-Anne qu’il dirigeait depuis 25 ans; A Rivière-Pilote le candidat de Alfred Marie-Jeanne a été battu.
A l’ère de la mondialisation, l’idée d’indépendance des pays/peuples minoritaires est-elle sortie du champ du souhaitable et des possibles ? Les peuples à l’instar des Québécois n’en font pas une priorité. Ils pensent développement économique, formation des jeunes, emploi, niveau de vie, des champs de préoccupations bien concrets qui bousculent au second plan des idéaux comme « le désir de s’appartenir ». D’ailleurs, pour un petit pays, quelles sont les possibilités de s’appartenir sur une planéte mondialisée ?
L’idée du Québec Libre, comme celle des indépendances postcoloniales inabouties serait-elle dépassée, inscrites au chapitre des idéaux manqués du siècle dernier ? Le suivant serait seulement matérialiste, financier, sans état d’âme et pragmatique, peu enclin à faire rêver les foules.
On pourrait s’en tenir là . Mais ce serait oublier le cas écossais. Une autre perspective.
Le 18 septembre prochain les Ecossais seront appelés à se prononcer sur une question simple qui pourrait mettre un terme à plus de deux siècles et demi d’existence du Royaume-Uni : » Est-ce que l’Ecosse doit être un pays indépendant ? »
Les indépendantistes écossais pragmatiques et très éloignés de tout repli identitaire sont au pouvoir dans leur province déjà très autonome et veulent franchir un pas supplémentaire qui se caractérise par un rejet de l’élite londonienne » issue des écoles pour riches et coupée des réalités ».
Les sondages ne donnent pas le oui majoritaire, mais la partie sera serrée. Pour scier la branche des indépendantistes, Londres promet plus d’autonomie à l’Ecosse, notamment en matière fiscale, si le non l’emporte. Pourquoi prendre le risque d’une séparation compléte et unilatérale si l’Ecosse obtient de toute manière de plus larges pouvoirs de sa » métropole » ? C’est la question qui se posera aux électeurs écossais. Le pouvoir central, en l’occurence Londres, est fin joueur. Résultats en septembre.