L’observatoire international des prisons a publié il y a quelques semaines un rapport sur la prison de Ducos en Martinique. On le savait, mais ce rapport confirme l’abandon dans lequel se trouve cet établissement: violence, surpopulation, promiscuité contredisent les objectifs de réinsertion sociale des détenus affichés par le ministère de la Justice
Peut-on parler de réinsertion socale, d’aménagement de peine quand la vie des détenus en prison est si indigne qu’elle détruit les hommes plutôt qu’elle les aide à se reconstruire ?
Les gouvernements, les ministres de la Justice se suivent, usent des effets d’annonce mais la situation dans les prisons, et en particulier à Ducos en Martinique, ne s’améliore pas. En 2004, un sénateur martiniquais, Rodolphe Désiré, interpelait le ministère sur la population carcérale : 719 détenus pour une capacité d’accueil de 477 places. Le sénateur évoquait les cellules de 9m2 prévue pour un prisonnier dans lesquelles s’entassaient trois ou quatre personnes.
En 2009 une inspection de la direction de la santé et du développement social de la Martinique alertait sur les carences en matières de sécurité, de santé et d’hygiéne. En juin 2013, un nouveau rapport remis à la garde des Sceaux décrivait la surpopulation, la violence, l’oisiveté et la grande précarité dans laquelle se trouvaient les détenus.
Rien de nouveau en 2014: le document publié par l’OIP confirme une situation qui ne s’améliore pas.
L’observatoire a rassemblé des données et des témoignages qui donnent à réfléchir sur l’état d’une prison dans un pays dit développé au XXIem siècle. Extraits.
Au mois de juillet 2014, le taux d’occupation de la Maison d’arrêt était de 214%, celui du centre de détention atteignait 128%. La taille des cellules ne permettant pas d’ajouter des lits, plus de 150 matelats étaient à cette date disposé au sol.
« Pour ne pas dormir au sol au niveau des insectes, des nusibles, à moins d’un mètre des toilettes, des matelats sont posés le soir sur des armoires renversées » explique l’un des détenus interrogé par l’OIP. « Les toilettes qui fuient dégagent des odeurs tous les matins, on est forcé de vivre avec ça et le bruit incessant. Le sommeil est difficile à trouver, l’intimité inexistante. »
« Aller aux toilettes est une épreuve quotidienne » raconte un autre détenu, » les portes qui devraient séparer les toilettes du reste de la cellule sont arrachées. L’utilisateur doit br ûler de la peau d’orange afin de couvrir ses odeurs pendant que les autres détenus se regroupent de l’autre côté de la cellule … » Un autre se plaint de la nourriture fournie par l’administration pénitentiaire : » je ne la mange plus, dit-il, il n’y a aucune hygiéne j’ai trouvé des vers, des cafards, des cheveux dans les plateaux. »
Le sentiment d’abandon se caractérise également par les lacunes en matière de soins et de santé. Un rendez-vous chez le dentiste peut demander trois mois d’attente et d’une manière générale le personnel médical est insuffisant alors que les postes sont budgétisés : Ducos compte deux psychiatres pour trois postes budgétisés; seulement quatre infirmières pour six postes; aucun kiné alors qu’un emploi est prévu; la prison de Ducos disposait en 2009 de 1,76 équivalent temps plein de médecin pour 1000 détenu sur le plan national la moyenne est 3,37. Quelques années plus tard, la situation ne s’est pas améliorée.
Comment dans ces conditions préparer la réinsertion de détenus: l’échec à l’intérieur de la prison crée de l’échec à l’extérieur. Les seules activités permanentes de la prison sont la bibliothéque et la promenade … » quand la cour est praticable. »
L’observatoire pointe une autre défaillance: le faible taux d’aménagement de peine. En 2011 le service d’insertion et de probation de la Martinique ne suivait en milieu ouvertque 79 personnes sous surveillance électronique, 21 personnes en placement à l’extérieur et 61 personnes en liberté conditionnelle. De faibles résultats, observent les spécialistes de l’OIP qui notent également que sur 804 demandes de permission de sortie, 408 ont été rejetée la même année. Les détenus martiniquais seraient-ils moins susceptiles que d’autres, ailleurs, à bénéficier de ces permissions ? Pas s ûr, le rapport de l’OIP observe que le manque de temps et la lenteur des procédures sont plutôt responsables. Un seul juge d’application des peines assurant par ailleurs des présidences d’audiences siège au TGI de Fort-de-France, il n’a pas suffisamment de temps à consacrer aux dossiers d’aménagement. » Il semble pourtant qu’un grand nombre de peines de détenus de Ducos pourraient être aménagées » précise le rapport de l’OIP. Mais le temps et les moyens manquent.
Toutes les circulaires et les effets d’annonces du ministère, toutes les » bonnes intentions » peut-on ajouter, ne suffiront pas à améliorer la situation des prisonniers de Ducos et des autres prisons françaises, si les moyens et le temps donnés aux magistrats pour instruire les dossiers ne suivent pas. Dur challenge pour l’actuelle ministre et ceux qui la suivront tant il semble qu’un traitement plus humain des détenus ne fait pas plus partie des priorités du gouvernement que de celles de l’opinion publique. Ce qui dans les deux cas est regrettable.