La question n’est pas nouvelle et les gourous de la Silicon Valley et de Seattle y ont répondu : « Nous limitons l’exposition de nos enfants à la technologie » déclarait en 2010 Steve Job, fondateur de Apple et de l’Ipad, à un journaliste du NewYorkTimes. Des professionnels ( pédiatres, orthophonistes, bibliothécaires, infirmiers …) ont signé récemment dans Le Monde une tribune donnant l’alerte.
En 2013, l’Académie des sciences, vénérable institution peu habituée à résister aux courants et idées dominantes, « rassurait » le grand public en déclarant que l’utilisation des tablettes par les très jeunes enfants ne posait pas de problème. Peu de temps après, des scientifiques émettaient des réserves sur cette conclusion et sur l’étude qui l’a précédée.
Depuis, le marché a fait son oeuvre, les tablettes sont de plus en plus nombreuses dans les familles, dans les écoles, de moins en moins chères et leur impact, ajouté à celui des écrans en tout genres, de plus en plus grand. L’addiction d’un nombre croissant d’enfants et d’adolescents à une sorte de déconnection du réel, est-elle inquiétante ?
Récemment un groupe de professionnels – pédiatres, orthophonistes, infirmiers etc …- a publié une tribune dans le quotidien Le Monde, dans laquelle il affirme que l’utilisation trop longue et massives de ces outils technologiques crée des troubles.
» De plus en plus d’enfants présentent des troubles du langage et parmi eux beaucoup ont l’écran pour principale source de simulation. Ils manquent d’interaction verbale riche et constructive. Un programme numérique interactif, aussi bien conçu soit-il, ne peut remplacer la communication humaine » constatent ces professionnels.
Il n’est pas à l’ordre du jour de proscrire les tablettes, ni les ordinateurs, ces outils ont changé nos vies et, sous certains aspects, en facilitant les échanges, la circulation de l’information, les ont améliorées. Mais la surexposition de jeunes enfants qui découvrent le monde non plus à travers des expériences réelles mais par le biais du tout numérique, pose question.
» En se confrontant au réel l’enfant établit des lois physiques, nécessaires à son développement » déclarent ces spécialistes, » une voiture roule si j’actionne les pédales, je gagne la partie si je cours plus vite que mon camarade … à l’écran tout bouge, la voiture, les concurrents et je reste assis, j’appuie sur des boutons, créant une illusion de satisfaction sans passer par l’effort, le geste, la contrainte physique. »
Isolées dans le temps ces situations ne posent pas de problèmes, mais répétées et devenant dans le pire des cas la régle, ces situations peuvent entraîner la perte de la notion d’effort avec cette idée qui s’impose : « Je peux tout faire, tout obtenir en appuyant juste sur des boutons ».
Les mêmes spécialistes ont observé des difficultés de graphisme et d’écriture chez les enfants grands utilisateurs de tablettes, alors qu’on sait que l’expérience sensorielle entre la main, le stylo et le papier a une dimension formatrice et structurante.
La perte d’expériences sensorielles au profit du tout numérique serait-elle en train de produire des générations de » mutants » dans les écoles et les familles ?
Il ne faut certes pas dramatiser, toutes les grandes inventions – à commencer par l’imprimerie – ont eu leurs détracteurs avant de s’implanter durablement, mais les effets collatéraux de la » révolution numérique » doivent tout de même nous faire réfléchir, d’autant que les » gourous » de cette révolution Steve Job, Bill Gates ont » protégé » leurs propres enfants.
Bill Gates a mis ses enfants à la Waldorf School, une école privée, o๠l’enseignement est fondé sur la socialisation et le développement de force de vie, sur le chant, la lecture plus que sur la pratique du numérique.
Dans un entretien accordé au New york times en 2010, Steve Job fondateur de Apple et de l’Ipad assurait « qu’il limitait l’exposition de ses enfants à la technologie. » Pourquoi ?
Dans ce même article du quotidien américain, Chris Anderson qui fut patron de la revue spécialisée Wired, répond : « Sur la ligne de front, nous avons vu les dangers de la technologie, nous en avons fait l’expérience et nous ne voulons pas que ça arrive à nos enfants. »
Et ce cas n’est pas unique. Evan Williams, fondateur de Blogger, Twitter, Medium et sa femme Sara Williams ont banni le iPad de leur environnement familial rapporte toujours le NY : « Cet objet, au pouvoir d’attraction démesuré, a été remplacé, » expliquent-ils, « par des centaines de livres imprimés que leurs deux enfants peuvent lire sans retenue, ni restriction. »
Si les artisans de la révolution numérique tiennent leurs enfants à l’écart des produits, services et univers dématérialisés qu’ils élaborent – pas d’écrans dans les chambres, réseau limité dans la semaine … – c’est la moindre des choses que nous y réflechissions nous-mêmes. Les dérives sont possibles, les dépendances avérées.
L’article du NY donne ce détail sur la vie de Steve Job : le fondateur de Apple se faisait un point d’honneur de dîner tous les soirs en famille, assis autour d’une table sans écran dans la pièce ni télé ni Ipad, pour parler entre parents et enfants en chair et en os, de littérature, d’histoire, d’actualité de façon déconnectée.
« Achetez ce que je vends, mais ne faites pas ce que je fais », n’est ce pas la morale de l’histoire, car sur aucun des produits Apple n’est mentionné de manière visible, la mention: » à utiliser avec modération. »
Tiens j’éteins l’ordi et je vais cultiver mes salades bio !