En préambule de son article sur la réforme/déforme territoriale, Claude Edmond, cite François Mitterrand en 1981 : » La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire « . Trente ans après, cet objectif reste à atteindre, la complexité administrative et le centralisme français sont à peine entamés.
Plutôt que de supprimer les conseils départementaux, le législateur a consolidé à nouveau les strates territoriales et assure ainsi définitivement la pérennité du surpoids de l’architecture administrative locale dont souffre déjà la France. Tour d’horizon.
La loi du 7 ao ût 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République
n’a pas atteint son objectif initial : la spécialisation des compétences et l’effective coordination de l’action entre les échelons administratifs.
Cette loi du 7 ao ût 2015 est censée organiser la répartition des compétences des collectivités locales. Elle renforce le rôle des régions (articles 1 à 32), affirme la montée en puissance de l’intercommunalité (articles 33 à 88), et confirme l’action de solidarité territoriale et humaine du département vis-à -vis des communes (article 94).
La commune est vidée de ses attributions au profit de l’intercommunalité qui est présentée comme la solution à l’émiettement communal. En effet, les trois-quart des 36 850 communes française (soit 41% des communes de l’Union européenne) ont moins de 1 000 habitants et ne représentent que 14% de la population. Le regroupement volontaire sous l’angle de communes nouvelles reste à ce jour insignifiant.
Au 1er janvier 2017, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre devront comporter au moins 15 000 habitants. Néanmoins, ce seuil est abaissé à 5 000 habitants dans les zones peu peuplées, de montagne et les îles (article 33). La communauté de communes Pays Marie-Galante devrait bénéficier de cette mesure dérogatoire.
A cet effet, le calendrier de réalisation du schéma départemental de coopération intercommunale est maintenu au 31 décembre 2016. En outre, le rapport relatif aux mutualisations de services et le projet de schéma de mutualisation sont transmis par les présidents des EPCI pour avis aux conseils municipaux des communes membres au plus tard le 1er octobre 2015. Ces documents doivent être adoptés par les conseils communautaires au 31 décembre 2015 (article 74).
Parallèlement, des compétences dites obligatoires sont transférées à la sphère intercommunale
: la promotion touristique avec la création d’office du tourisme (2017), la collecte et le
traitement des déchets (2017), les aires d’accueil des gens du voyage (2017), la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (2018), l’eau et l’assainissement (2020).
Au plan institutionnel, le projet d’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct à l’échelon du territoire intercommunal (et non plus par commune) a été abandonné.
Son adoption conduirait à la création d’une véritable strate administrative supplémentaire. On passerait ainsi de l’intercommunalité à la supracommunalité. Ainsi, tout comme le mode de scrutin des délégués communautaires, la poursuite du transfert des compétences à l’intercommunalité interpelle sur l’épineuse question de la survie de la commune.
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Tirant les leçons du maigre bilan de la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et les regroupements des communes, la loi du 16 mars 2015 favorise la création de communes nouvelles (avant le 1er janvier 2016) par la voie de simplifications juridiques et d’incitations financières (maintien de la dotation forfaitaire sur 3 ans). Il s’agit d’améliorer le statut de la commune nouvelle mis en place par l’article 25 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Depuis 2011, 70 communes ont été transformées en 25 communes nouvelles.
L’émergence de nouveaux acteurs concurrents
La création des grandes régions et la fin programmée des départements (projet abandonné) présageaient une simplification de l’architecture territoriale. Il n’en est rien. Le législateur renforce plutôt le poids d’un nouveau acteur : la métropole.
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La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions redessine la carte régionale. Elle passe de 22 à 13 régions métropolitaines. 7 nouvelles régions résultent d’un regroupement de 16 régions actuelles. 6 régions ne changent pas de délimitation. Ces nouvelles régions prendront effet le 1er janvier 2016. De surcroît, la loi du 7 ao ût 2015 confère à la région le rôle principal en
matière de développement économique avec le monopole de la distribution des aides directes aux entreprises. A cet effet, la collectivité régionale a en charge l’élaboration des deux schémas prescriptifs à l’égard des documents infrarégionaux. En outre, son rôle dans la définition de la stratégie est conforté. Le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation associant les intercommunalités et les chambres de commerce et d’industrie (article 2) et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (article 10).
Par ailleurs, la région bénéficie du transfert des transports scolaires. Toutefois, elle a toujours la possibilité de les déléguer au département. Elle récupère la compétence du transport interurbain, à l’exception du transport des enfants handicapés qui relève du conseil départemental. Pour exercer ces nouvelles prérogatives, la région se verra attribuer une part supplémentaire (passe de 25 à 50%) de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
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A défaut de suppression d’ici 2020, la dévitalisation du conseil départemental attendra encore.
Le département conserve ses compétences en mati ère de collège et de voirie. En outre, sa vocation de solidarité territoriale est consacrée. Il élabore le schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public avec le préfet tout en associant les EPCI (article 98). Il l’approuve après avis des collectivités locales. De surcroît, il exerce des compétences partagées comme le tourisme, la culture, le sport, l’éducation populaire, l’aménagement numérique (article 104). Par contre, le département est tenu de déléguer ou transférer dans 9 domaines de compétences (social, personnes âgées, route, tourisme, collèges …)
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Depuis le 1er janvier 2015, 10 agglomérations (Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulouse) deviennent des métropoles. Ces dernières sont créées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam). Ces EPCI à fiscalité propre forment un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Ils sont transformés par décret en une métropole qui indique pour chacune d’elle la liste des communes membres et les compétences exercées. La métropole Nice Côte d’Azur a été créée en 2012 en application de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Son statut a évolué pour tenir compte des modifications apportées par la loi Maptam.
– 3 métropoles à statut particulier
Parallèlement, ladite loi du 27 janvier 2014 a institué 3 métropoles à statut particulier. Malgré l’identité des termes, ces 3 métropoles bénéficient d’un statut très différent des autres métropoles de droit commun. Particulièrement, la Métropole de Lyon née de la volonté farouche des présidents de la communauté urbaine et du conseil général. Elle a une organisation sui generis, unique sur le territoire national.
– la Métropole de Lyon
Depuis le 1er janvier 2015, la métropole de Lyon réunit en une seule collectivité territoriale à statut particulier, la communauté urbaine de Lyon (créée le 1er janvier 1969 regroupait 59 communes pour 1,3 million habitants) et le département du Rhône dans les limites du périmètre intercommunal. Toutefois, le département du Rhône à la géographie profondément réduite (228 communes pour 430 000 habitants), subsiste hors le territoire de la métropole de Lyon. Autrement dit, sur l’aire métropolitaine coexistent que deux échelons de collectivités : la métropole et les communes. En conséquence, sur le territoire de la nouvelle métropole, il a été mis fin au mandat de conseillers généraux au 31 décembre 2014. Il n’y a donc pas eu d’élections départementales en mars 2015. Cette collectivité unique au sens de l’article 72 de la
Constitution (article L3611-1 CGCT) absorbe les compétences obligatoires et facultatives des deux entités existantes (la communauté urbaine et le périmètre du département situé dans l’aire de la métropole). Corrélativement, la métropole de Lyon bénéficie des ressources fiscales quileur étaient dévolues.
– la Métropole Aix-Marseille-Provence
Cet EPCI à fiscalité propre succèdera à compter du 1er janvier 2016 à la communauté urbaine de Marseille Provence Métropole instituée en 2001. Sa création a suscité la fronde des 6 présidents d’EPCI existants, réticents pour se fondre dans une métropole qui regroupera 93 communes pour 1,8 million habitants.
– la Métropole du Grand Paris
Ladite métropole sera constituée sous la forme d’EPCI au 1er janvier 2016 .
Au final, cet embouteillage d’échelons concurrents risque de compliquer encore davantage l’exercice de leurs compétences partagées. L’instance d’arbitrage dénommée la conférence territoriale de l’action publique (CTAP), aura t-elle les moyens de juguler les tensions entre les décideurs locaux ?