« Qu’importe que le chat soit noir ou gris pourvu qu’il attrape des souris »
Ding Xiao Ping
La transition énergétique avec le « numérique » portent la troisième révolution industrielle après celle, dans le passé, du charbon et de l’électricité. Sur un petit territoire comme la Guadeloupe, si dépendant en matière énergétique, cette transition peut s’avérer être une incroyable opportunité. Les atouts existent, les handicaps aussi. Claude Edmond pose la problématique.
La loi du 3 ao ût 2009 dite Grenelle 1 de l’environnement a fixé l’obectif de parvenir en outre-mer à une autosuffisnce énergétique dès 2030. Toutefois, elle prévoit une étape intermédiaire de 50% d’énergie renouvelables dans la consommation finale d’ici 2020.
L’électricité produite en Guadeloupe provient principalement des énergies fossiles ( pétrole 54%, charbon 28,2%). Elle est réalisée par la centrale EF de Jarry ( pétrole) et la société Albioma du Moule ( charbon). En 2014, le taux des énergies renouvelables dans le mix énergétique est de 18,4% ( contre 9% en 2010). L’énérgie photovoltaïque est la première source d’énergie renouvelable avec 5,9% d’énergie produite. Ensuite vient la géothermie avec 4,3%, après la bagasse avec 3,5% ( énergie fournie par la centrale thermique du Moule) l’éolien 3,1% enfin l’hydraulique avec 1,5%.
Pour l’universitaire américain Jérémie Rifkin, les énergies renouvelables constituent la 3em révolution industrielle après celle du charbon et de l’électricité. La loi du 17 ao ût 2015 relative à la croissance énergétique pour la croissance verte constitue une nécessité pour un territoire dépendant des importations d’hydrocarbure ( charbon et pétrole). Mais aussi une chance qui lui permet d’envisager à terme l’émergence d’un nouveau modèle de développement durable. D’autant plus intéressant ici en Guadeloupe que les énergies renouvelables sont tirées de ressources dont l’archipel dispose à profusion. Le vent avec l’énergie tirées des éoliennes. le soleil avec l’énergie photovoltaîque. La mer avec l’énergie marine. La biomasse avec l’énergie produite à partir de la bagasse ( résidu de la canne à sucre). L’énérgie hydraulique qui repose sur la force motrice de cours d’eau. La géothermie.
En dépit d’être à long terme génératrices d’économies et d’emplois, les énergies renouvelables sont confrontées à un certain nombre de frein à son développement. Le tarif de rachat est en baisse dans le photovoltaïque. Les investissements sont amortis sur 20 ans. L’enfettement d’EDF. Le co ût à court terme reste plus cher que l’utilisation des carburants fossiles.
La géothermie est issue de la chaleur terrestre. Elle est générée par les hautes températures des sols qui entourent le volcans. Grâce au forage du sous-sol l’eau chaude est pompée à la surface. Pendant la remontée, elle perd de sa pression et se transforme en vapeur qui fait fonctionner un turbo alternateur, producteur d’électricité. Contrairement à l’énergie solaire ou éolienne ( énergie intermittente) la géothermie est une énergie stable. En outre se pose la question de l’élimination et du recyclage de panneaux photovoltaïque en fin de vie et la problématique des nuisances sonores et visuelles de l’énergie éolienne.
Geothermie Bouillante est née en 1986 et gérée jusqu’en 1993 par EDF. Depuis l’entreprise est détenue à 97,8% par SAGEOS une filiale du bureau de recherches géologiques et minières ( BRGM) et à 2,2% par EDF. La sociéte bénéficie depuis 2009 d’une concession minière pour l’exploitation des gîtes géothermiques. Elle a un chiffre d’affaire de 10 millions d’euros, un effectf de 17 personnes, un déficit de 500 000 euros et un endettement de 23 millions d’euros. L’entreprise fournit 4,3% de l’électricité globale ( 15MW) acquise par EDF au prix fixé par le contrat d’achat approuvé par la commission de régulation de l’énergie (CRE). Suite au protocole d’accord signé le 7 décembre 2015, la société a été rachetée à hauteur de 85% par la compagnie américano-israélienne Ormat technologie, leader mondiale de la géothermie et présent dans 23 pays.
Le projet Bouillante III est destiné à augmenter les capacités de la centrale de 15 à 45 MW. Il ne peut se réaliser sans l’apport de fonds propres fussent-ils étrangers et dans un secteur jugé stratégique. En outre ce fonds sont indispensables à la pérennité de l’entreprise. D’autant qu’EDF s’est progressivement désengagée du capital de l’usine ( rapport particulier de la Cour des comptes relatif au BRGM octobre 2014). Parallèlement Roosevelt Skerrit, premier ministre de la Dominique invite le secteur privé à investir dans le projet de géothermie de son île.
Rappelons que pour la 15em année consécutive, la France reste le premier pays des investissement étrangers en Europe. Les Etats-Unis demeurent le premier investisseur. C’est ainsi que près de la moitié des emplois ont été maintenus grâce à la reprise par des investisseurs étrangers de sociétés française en difficultés.
L’accord de la COP 21 adopté à Paris le 12 décembre 2015 est une opportunité pour le développement international de la Chine. Les entreprises chinoises multiplient les projets à l’étrangers dan le domaine de la production et de la distribution d’électricité propre. La Chine est le leader mondial au niveau de centrales hydrauliques, et des turbines éoliennes. Elle a dépassé l’Allemagne en matière de fermes photovoltaïques. En octobre 2015, le chinois Général Nuclear Power Corporaton (CGN) a signé un accord avec EDF por financer, construire et exploiter deux centrales de technologies françaises à Hinkley Point en Angleterre ( montant de l’opération 24 milliards d’euros).
350 millions d’euros sont versés à la Guadeloupe chaque année en vertu du principe de péréquation tarifaire. Cette règle a été instituée par la loi du 11 juillet 1975 relative à la nationalisation de l’électricité dans les départements d’outre-mer. Le système de péréquation est financé par les recettes tirées de la contribution au service public de l’électricité ( CSPE) et gérée par la commission de régulation de l’énergie. A noter que le co ût de la production d’électricité est de 60 euros le mégawatt/heure ( MW/h) au niveau national, 90 euros à la Réunion, 120 euros en Guadeloupe et Martnique et 200 euros à Saint Pierre et Miquelon.
EDF est détenu à 85% par l’Etat. En 2015 l’entreprise représente un chiffre d’affaire de 75 milliards d’euros dont 40% réalisés à l’étranger ( notamment au Royaume-Uni et en Italie). Un résultat net courant de 4,8 milliards et une dette de 37,4 milliards. Au final l’Etat actionnaire accepte de se faire payer ses dividendes en action et non en numéraires. Par ailleurs depuis 2015, la société est victime de l’effondrement des prix de l’électricité en Europe ( baisse de 46 à 26 euros le MW/h) au moment o๠elle doit massivement investir dans ses centrales nucléaires (100 milliards d’ici 2020) et ses réseaux électriques. Sa valeur boursière a diminué de moitié en un an avec pour conséquence sa sortie du Cac 40. A ce jour EDF ne vaut plus que 22 milliards d’euros.
L’article 1er de la loi sur la transition énergétique du 17 ao ût 2015 prévoit de réduire la part du nucléaire ( vitrine nationale avec un parc, des équipes, un savoir-faire) dans la production d’électricité à 50 % ( contre 75% en 2015) à l’horizon 2025.
La France et l’Europe sont en surcapacité de production électrique. La filière des énergies renouvelables ne pourra progresser sans une baisse effective du nucléaire. Un choix cornélien d’autant plus qu’EDF et Areva n’intégrent pas d’évolution majeure du parc nucléaire dans les calculs financiers. En définitive, ladite loi est perçue comme n’ayant pas vocation à être appliquée. Pourtant le texte constitue une démarche globale. Il prévoit une programmation pluriannuelle de l’énergie ( PPE) qui va au-delà d’une liste d’investissement. Le PPE intégre la mobilité, l’habitat, l’industrie et l’agriculture.
En effet, EDF Energies Nouvelles ( filiale à 100% d’EDF) est spécialisée dans les énergies renouvelables. Ses investissements portent pour l’essentiel sur les parcs éoliens et les fermes solaires. Toutefois son activité reste marginale dans l’activité globale du groupe. Un chiffre d’affaire de 1,3 milliards d’euros, soit 2% de celui d’EDF en 2013. Les énergies renouvelables ne représenent que 2% de la production d’électricité d’EDF contre 75% pour le nucléaire, 15% pour le thermique et 8% pour l’hydraulique.
Lors de sa première assemblée plénière du 22 janvier 2016, La région Guadeloupe a prorogé son habilitation ( elle remontait à 2009) en matière de maîtrise de la demande d’énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables.
Ainsi la région a élaboré en octobe 2012 un schéma régional de développement de l’énergie éolienne ( 3,1% de la production de l’archipel). Par ailleurs la Région a lancé au début de l’année 2016, deux appels à projet dans le cadre de sa politique énergétique et environnementale au titre du développement de l’électrivité photovoltaïque et de l’application de la réglementaton thermique lors de la construction de bâtiment ou leur rénovation. Enfin dans sa déclaration de politique générale du 12 avril 2016, le Président du conseil régional s’est enagé à faire une proposition au titre de Géothermie Bouillante après concertation de différents acteurs.
A mois de » divorcer de la réalité » – formule du mathématicien Laurent Schwartz à propos de Trotski – la logique financière mondialisée de prise de participation étrangère risque de s’imposer aux entreprses locales. Toutefois, il n’est pas à déséspérer dans nos décideurs locaux. Après tout, quand il y a une volonté politique, il y a un chemin.