Les renoncements des politiques finissent par se payer et souvent, malheureusement, dans la douleur. N’est ce pas Ségoléne Royale qui prônait il n’y a pas si longtemps la » démocratie participative ». Au pouvoir, elle agit sans considération pour les guadeloupéens en vendant un bien public économiquement stratégique sans consultation ni des élus, ni de la population. Pour quelle raison ? Nous publions un texte du collectif qui s’est opposé à cette vente. On peut ne pas être d’accord avec la position défendue, mais on ne peut nier que quelques unes de questions posées dans ce texte sont pertinentes. La vente de la centrale semble bouclée dans un incroyable silence des politiques, mais ce déni de démocratie risque de laisser des traces.
LE TEXTE DU COLLECTIF contre la vente de la centrale géothermique de Bouillante :
« On nous a fait croire que la société Ormat Tecnologies était une société principalement américaine avec des participations israéliennes. Nous l’avons cru. Lors de la présentation à la presse de la cérémonie de la vente de la centrale de Bouillante le 5 juillet 2016, Ségolène Royal a parlé d’entreprise américaine sans mentionner Israà«l. A une question qui lui était posée sur Radyo tanbou, l’avocat Harry Durimel, élu écologique et défenseur d’Ormat, a affirmé qu’ Ormat était une entreprise essentiellement américaine.
Tout cela ne correspond sans doute pas à la vérité ! Aux dernières nouvelles qui nous sont parvenues, on peut affirmer qu’Ormat est essentiellement une entreprise israélienne, basée aux USA pour des raisons strictement financières et commerciales, avec participation d’apports d’israélo-américains.
La preuve : dans sa publication du 7 juillet 2016, le journal israélien The times of Israà«l, publie en première page un article intitulé :
» Ormat : meilleur exportateur israélien et leader écologique »
Et l’article précise :
Ormat Technologies, une société créant des solutions énergétiques environnementales, a reçu le prix de l’Exportateur Israélien de l’Année 2013 lors d’une cérémonie qui s’est déroulée mardi 4 février à Tel Aviv, en présence du président Shimon Peres et du ministre de l’Economie Naftali Bennett »
Qui donc peut nier aujourd’hui qu’Ormat est effectivement une entreprise israélienne ? Pour notre Collectif, qu’Ormat soit américaine ou israélienne importe peu, l’essentiel est qu’on ne privatise pas la production géothermique qui doit rester un bien commun. Mais on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi la propriété véritable de l’entreprise a été masquée ? Est-ce parce que des ministres tels Macron et Valls manifestent un soutien réel au gouvernement israélien ? Devons-nous oublier que lors des événements de Gaza, François Hollande s’est précipité tout de suite pour apporter son soutien à Netanyahou, ce qui avait provoqué un tollé de protestation à l’époque. Que Macron vient de la banque Rotchild, banque d’EDF. Faut-il rappeler que Manuel Valls avait déclaré en juin 2011: » Je suis lié de manière éternelle à Israà«l » et que Hollande, en pleine guerre de Gaza, est allé rendre visite à Netanyahou a partagé avec lui un gâteau et chanté aussi avant de prononcer ces paroles : » Toujours j’aimerai les dirigeants d’Israà«l « . Toujours, Eternelle, cela en dit long de la part de ces dirigeants français ! Une première dans l’histoire de la politique étrangère de la V° République !
Qu’on nous comprenne bien : nous ne sommes pas hostiles à ce que des israéliens puissent participer à des activités économiques en Guadeloupe. Le Maire de Pointe-à -Pitre, M. Bangou, a vendu un terrain proche du Mémorial Acte, à une chaîne hôtelière israélienne et nous n’avons pas protesté. L’hôtellerie ne relève pas du bien commun. Toutes les grandes puissances connaissent une activité intense de lobbies de toutes sortes et les lobbies israéliens sont comme on sait très actifs en la matière.
Mais notre géothermie est pour nous un bien commun et il doit rester fondamentalement aux mains de la puissance publique. Vu la contestation d’une partie de l’opinion publique guadeloupéenne, la participation d’Ormat dans l’achat de la centrale de Bouillante a été réduite de 80% à 60%. Cela ne nous satisfait pas car l’entreprise israélienne demeure majoritaire donc ce n’est pas une cession. Pourquoi la Région n’a pas avancé 12% ce qui ferait que la puissance publique e ût été majoritaire ? Pourtant lors d’une intervention sur les ondes le président de Région Ary Chalus avait promis une participation de 30% ! Autre question : pourquoi EDF s’est-elle retirée d’un projet incontestablement prometteur ? Comme tout cela est vraiment obscur !
Ce qu’on nous a donc caché, c’est que le choix d’Ormat a une dimension politique internationale : il s’agit de favoriser une entreprise israélienne avec la vente de la centrale géothermique de Bouillante. Pour nous, notre centrale géothermique doit rester fondamentalement un bien commun de nature stratégique. Les américains protègent certains biens communs de nature stratégique de même qu’Israà«l. Pourquoi n’avons-nous pas la même protection de la part de l’Etat français ? Connaissant les liens étroits qui unissent les industries israéliennes et la politique militaire pour former un solide complexe militaro-industriel, les bénéfices de l’exploitation géothermique de Bouillante pourrait-elle s’inscrire dans cette problématique militaro-industrielle d’Israà«l. Est-ce ce que nous voulons, Guadeloupéens ? Qui nous demandé notre avis ?
Cette dernière question mérite d’autant plus d’être posée que l’Etat a trompé même les élus en leur faisant croire qu’il allait verser 50 millions d’euros pour sauver la centrale dans le même temps o๠il négociait avec Ormat. Jamais les élus guadeloupéens n’ont été consultés en tant que tels par le Gouvernement avant la décision d’une telle vente.
Dans le » BILAN D’à‰TAPE de la mise en oeuvre des engagements présidentiels pour les outre-mer au deuxième semestre 2015 « , le président Hollande avait affirmé :
» Je bâtirai une politique cohérente des énergies renouvelables dans les outre-mer pour en faire une vitrine de la technologie française et pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles. Le volet outre-mer de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte du 17 ao ût 2015 prévoit :- le renouvellement de l’habilitation des régions Martinique et Guadeloupe à légiférer dans le domaine de l’énergie afin d’adapter les normes et les projets aux caractéristiques ultamarines ».
L’incroyable absence des politiques locaux et du ministre des Outre-mer
C’est ensuite par une lettre datée du 19 mai 2016 que Ségolene Royal a informé les élus guadeloupéens de la vente de la centrale de Bouillante à Ormat. Pourquoi n’avoir pas consulté officiellement nos parlementaires à ce sujet ? Pourquoi n’avoir pas suscité un débat public comme cela a été fait pour la construction du nouveau port de Pointe-à -Pitre ou organiser un référendum comme pour Notre Dame des Landes ?
Mais il y a plus significatif. Ce qui a frappé l’opinion le 5 juillet dernier, c’est que les parlementaires guadeloupéens, pourtant officiellement invités, brillaient par leur absence (Victorin Lurel excepté) lors de la cérémonie officielle de la vente à Ormat. Gênée, Segolene Royal a invité Lurel à s’asseoir près d’elle. La ministre des Outre-mer était absente. On n’a même pas vu le Président de Région, Ary Chalus, alors que comme le dit la loi, les régions sont habilitées à légiférer dans le domaine de l’énergie. Pourquoi lors d’une réunion avec notre Collectif, le président Chalus nous a déclaré que le problème de la vente à Ormat est l’affaire de l’Etat et pas la sienne ? Il n’y avait pas non plus le maire de Bouillante. Sans doute les élus, en déclinant l’invitation, ont-ils voulu signifier ainsi leur réprobation. Pourquoi donc ne prennent-ils pas la parole publiquement ? C’est à n’y rien comprendre. Nous les avons élus, qu’ils nous éclairent donc à ce sujet !
Le seul élu à se prononcer tout le temps sur les médias est Harry Durimel. Pourquoi lui ? Quelle est sa particularité par rapport aux autres ? Notons que le directeur du BRGM a confié la rédaction d’un rapport visant à prouver l’intérêt qu’il y aurait à développer la géothermie dans toute la Caraîbe, (sans doute pour attirer les investisseurs), à trois personnes ; Philippe Laplaige (ADME), Jean-Marc Mompelat (BGRM) et Harry Durimel (Vice-président du Conseil Régional). Le rapport, signé par ces trois personnes, a été publié en septembre 2014 dans la revue HAL. Il paraît que certains dirigeants du BRGM étaient favorables à la vente à Ormat. Qui a donc payé pour la rédaction de ce rapport ? L’Etat, la Région, Ormat ? Les rédacteurs ont-ils touché des sommes et lesquelles ? Ce sont des questions que nous nous posons.
Autre question : notre collectif a demandé à nos trois sénateurs qu’ils exigent une commission d’enquête sur toute cette affaire (notamment comment a été effectuée la vente ? Pourquoi d’autres entreprises n’ont-elles pas été retenues ? Les sénateurs nous ont répondu dans une lettre qu’on leur a affirmé qu’une commission d’enquête à ce sujet ne peut être que nationale et que ce problème est local. Etrange ! C’est une ministre qui à Paris vend un bien commun stratégique à une entreprise étrangère sans consultation des élus ni de la population et on nous parle d’affaire locale ? On comprend mieux que la vente officielle n’ait pas fait l’objet de publicité dans la presse nationale. Seuls étaient invités paraît-il France Antilles et Guadeloupe première.
Autre chose : il est évident que le retrait d’EDF de la centrale de Bouillante n’est pas essentiellement financier. Tout se passe comme si EDF voulait favoriser Ormat. Quand on sait que c’est Manuel Valls qui a nommé le nouveau directeur, de cette entreprise, Monsieur Lévy (contesté d’ailleurs par les employés), on se demande s’il y a un lien entre la direction d’EDF et l’entreprise israélienne ? Autres questions : pourquoi le BRGM conserve-t-il 20% malgré la vente ? Pourquoi le directeur de la centrale, qui en principe a failli dans ses fonctions, est-il maintenu à son poste par Ormat ? Enfin, une entreprise guadeloupéenne, AAMEN, dirigée par un Guadeloupéen, Gérald Bougrer et un ingénieur ayant travaillé dans la centrale de Bouillante, Louis Marie Rochat, voulait acheter la Centrale en 2008. Cela avait été refusé. Pourquoi alors n’ont-ils pas été informés de la mise en vente de la centrale ? Ils ont d’ailleurs décidé de porter plainte.
A l’évidence, cela fait beaucoup de questions que nous posons et qui prouvent que tout cela est donc d’une grande obscurité. Notre Collectif pour la défense de notre géothermie exige que toute la lumière soit faite sur ce problème grave. Nous demandons qu’une commission parlementaire se charge de ce dossier. Nous attendons de tous nos élus qu’ils s’expriment clairement et publiquement à ce sujet. Nous jugeons utile qu’ils puissent organiser un congrès des élus pour discuter publiquement de ce problème. Ils nous le doivent, à nous électeurs. Nous appelons la société civile à se mobiliser avec nous dans la défense de l’intérêt public. La démocratie ne se réduit pas au fait de voter. Il s’agit surtout pour nous tous de participer de manière plus active à la vie de la cité. Certains critiquent notre position et l’ont franchement exprimé. Nous les remercions car nous restons ouverts au débat public, seule manière de faire avancer notre conscience collective. En tout cas, notre collectif refuse de capituler, malgré la vente de notre centrale géothermique effectuée au profit de l’entreprise israélienne, et nous appelons la société civile à se mobiliser pour faire annuler cette vente. Notre lutte en Guadeloupe rejoint celles que mènent en France hexagonale toutes les forces vives qui se battent contre toutes ces logiques néolibérales insupportables. Nous leur demandons de nous soutenir.