Le procès de France Telecom à Paris, montre comment le monde du travail, lorsqu’il perd toute humanité produit de la souffrance et du désespoir. La maladie n’est pas du côté des individus qui souffrent – qui sont en burn out – mais du côté de ceux qui produisent cette souffrance au nom de la » bonne santé » d’un service, d’une entreprise, d’un bilan comptable. Le phénomène est mondial, pas seulement français ou européen, il est lié à une utilisation déshumanisée et inappropriée des nouvelles technologies et aux exigences d’une logique financière toujours plus avide.
Le site canadien Alternatives international –
Le fléau du stress au travail
par Éva Séa,
Lutte commune, un réseau de solidarité de travailleurs et de travailleuses, organise ce mois-ci le lancement de leur campagne visant à lutter contre le stress au travail. La campagne « C’est pas moi qui suis malade, c’est mon milieu de travail » [1] a pour but d’aider les travailleur/euses à s’organiser afin lutter contre le stress et l’anxiété qu’ils/elles vivent au quotidien dans leurs milieux de travail.
Selon l’étude SALVEO, l’une des plus grandes recherches réalisées au Canada sur la santé mentale en milieu de travail [2], 26 % des travailleuses souffrent de détresse psychologique, 13,8 % disent éprouver de l’épuisement émotionnel, la proportion de prévalence de dépression est de 7.6 % et 4,6 % des travailleuses ont relevé des signes d’épuisement professionnel [3].
Ainsi, l’un des instigateurs de cette nouvelle campagne de Lutte commune, Fabien Torres, professeur de sociologie au Collège Lionel-Groulx, remarque que les modes d’organisation des entreprises peuvent compromettre non seulement la santé des individus, mais aussi celles des organisations qui les embauchent en affectant la créativité et la démocratie au des entreprises. « Quand on est en surcharge [de travail] permanente, on n’a pas le temps de penser à d’autres manières de s’organiser. On ne peut pas suggérer des idées pour que les choses avancent. On est juste en mode survie », signale-t-il.
Un sujet abordé plusieurs fois sans être réglé
Les problèmes de santé que causent les politiques néolibérales telles que les mesures d’austérité ne sont pas nouveau. L’humoriste et auteur du livre « Une pipée d’opium pour les enfants » (Lux Éditeur, 2018), Fred Dubé, aborde le sujet. Il y critique l’absurdité du monde capitaliste. Selon lui, la performance au travail et la productivité excessive sont souvent à l’origine de cas de dépression que vivent les employé/es. « On arrive très vite aux antidépresseurs quand on a des problèmes, car ce qui nous est recommandé, c’est de prendre des médicaments », indique Fabien Torres. L’humoriste québécois sera d’ailleurs présent lors de la soirée de lancement de la campagne.
L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) s’est déjà penché sur le problème. Dans un article publié en 2015 [3], le chercheur Francis Fortier, insistait sur le fait que dans notre société actuelle, la performance est gage de succès social. Même si les recherches démontrent que plus du tiers des dépressions diagnostiquées au Québec sont liées au travail, nous ne pouvons pas encore confirmer que ces données donnent un aperçu réel de la situation, car l’importance des préjugés sur la dépression dissuade encore plusieurs personnes à chercher de l’aide et empêcherait aux chercheur/euses d’avoir des données précises. Aussi, Francis Fortier remarque que la répartition des coûts liés au stress en entreprise ne serait pas uniquement due à des causes purement économiques. Effectivement, l’absentéisme, les accidents de travail, les coûts de roulement de personnel, engendrerait aussi une pression sur les entreprises et leurs employé·es. Par conséquent, les pressions mises sur les employé·es affecteraient non seulement les entreprises, mais aussi le système de santé et la société en général.
Briser l’isolement et libérer la parole
Les problèmes de santé mentale tels que l’anxiété sont dans plusieurs cas liés au cadre de travail inadéquat. Lorsque l’on constate qu’on est surmené ou que l’on vit une injustice au sein de notre milieu de travail, on a l’option d’exercer des recours syndicaux. Or, cette option n’existe pas dans tous les milieux. De plus, les employé·es hésitent trop souvent à protester pour de meilleures conditions de travail par peur de représailles.
L’isolement des travailleur/euses se transpose aussi au niveau syndical alors que les différents syndicats luttent indépendamment les uns des autres pour l’amélioration des conditions de travail de leurs membres.
La soirée de lancement de la campagne « C’est pas moi qui suis malade, c’est mon milieu de travail » a justement pour but de donner l’occasion à des personnes qui ne côtoient pas le même milieu professionnel, de se rencontrer afin de créer un réseau de solidarité intersectoriel. « On veut juste créer des solidarités entre des gens qui vivent les mêmes problématiques, telles que la culture d’une performance toxique », souligne l’animatrice de la soirée de lancement de la campagne, Élisabeth Befort-Doucet.
L’organisation collective
Lutte commune considère que la solution aux problèmes passe par l’organisation collective. Ce réseau composé d’employé·es du secteur public, d’étudiant·es et de personnes du milieu communautaire, espère permettre aux militant·es d’acquérir le pouvoir d’être mieux outillé·es. À chacune des rencontres, les militant·es essaient de développer des plans d’action et des idées d’organisations concrètes. Ils·elles pourraient ainsi être en mesure de tenir des débats de fond sur des sujets qui sont a priori peu abordés dans les instances syndicales officielles. Ce qui compte surtout pour Lutte commune, c’est que le silence et l’isolement que vivent les travailleurs et travailleuses soient brisés.
Notes :
[1] En ligne : http://luttecommune.info/campagne-cest-pas-moi-qui-suit-malade-cest-mon-milieu-de-travail/
[2] En ligne : http://asstsas.qc.ca/sites/default/files/publications/documents/Mat_Pedagogique/webinaire_2017-009_etude_salveo_a._marchand_-_ppants.pdf
[3] La prévalence de symptômes signalée par l’étude est notablement moindre chez les hommes de l’échantillon : 21,5 % des hommes répondants disent souffrir de détresse psychologique, 9,9 % d’épuisement émotionnel, 6% de dépression et 3,2 % d’épuisement professionnel.
[4] En ligne : https://iris-recherche.qc.ca/blogue/sante-mentale-et-si-le-probleme-c-etait-le-travail
Stress au travail, pression morale, parfois physique, harcèlement, peur de se plaindre ou de dénoncer il y a une chappe de plomb ici en Guadeloupe dans ce petit pays où les réseaux sont puissants et les possibilités d’emplois limitées. Pour protéger son emploi ou celui de ses proches il vaut mieux de taire au prix de souffrance orales importantes. A cela s’ajoute ici une tradition de la domination et de la soumission qui empêche de s’exprimer librement comme cela devait être le cas dans un état de droit. Vaste sujet …