Pesticides contre santé publique: lettre aux élus et réponse d’un maire qui veut « sauver le papillon »

En Guadeloupe, le collectif vigilance citoyenne a adressé une lettre aux élus pour leur demander de prendre position sur la question de l’épandage aérien et des pesticides. Un seul maire, celui de Morne-à -l’eau, a pour l »instant répondu.

 Le texte de la lettre adressée aux élus par le collectif vigilance citoyenne.

« Parce que vous êtes nos représentants politiques légitimes et qu’en tant que tels, vous êtes soucieux du bien commun c’est-à -dire de l’intérêt général, nous savons que vous êtes aussi attachés à  la défense de la santé de notre population, ce bien éminemment précieux. C’est à  ce titre que nous vous alertons sur les problèmes sanitaires graves que pose l’épandage aérien de produits phytosanitaires et plus généralement l’usage de pesticides dans l’agriculture en Guadeloupe.

En effet, le 23 octobre 2012 le Sénat avait déjà  alerté sur la sous-estimation des effets nocifs des pesticides. Suite à  cela, la DGS a demandé à  l’INSERM une enquête à  ce sujet. L’INSERM, s’appuyant sur les travaux d’un groupe pluridisciplinaire d’experts et sur les données de la littérature scientifique internationale publiées au cours des 30 dernières années, vient de publier son expertise lue à  l’Assemblée Nationale le vendredi 14 juin 2013.

De cela il ressort qu’il semble exister un rapport réel entre l’usage de pesticides et l’augmentation de certaines maladies. Les sources d’exposition sont surtout dans l’air, l’eau, le sol et les denrées alimentaires. L’expertise a ciblé huit localisations de cancers : quatre cancers hématopoïétiques ainsi que les cancers de la prostate, des testicules, des tumeurs cérébrales et des mélanomes. De plus, les pesticides comportent des risques d’augmentation des maladies neuro-dégénératives comme la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer et la sclérose amyotrophique ainsi que des troubles cognitifs.

Ils ont aussi un effet sur la grossesse et le développement de l’enfant : risque de fausses-couches, de malformations congénitales, augmentation significative du risque de leucémie et de tumeurs cérébrales de même que des malformations congénitales chez les enfants de femmes vivant au voisinage d’une zone agricole liée aux pesticides. (A ce sujet, nous ne pensons pas seulement aux communes de Goyave, Capesterre, Trois-Rivières, Gourbeyre, St Claude mais la Guadeloupe étant un petit pays, l’ensemble de la population est menacé).

Enfin, ce serait le mélange de pesticides qui pourrait donner lieu à  des impacts sanitaires difficilement prévisibles actuellement. De nombreuses substances actives n’ont pas encore fait l’objet d’études épidémiologiques, ce qui ne signifie pas qu’il ne faut pas à  leur égard appliquer le principe de précaution.

En conséquence, Madame la Présidente, Monsieur le Président et Mesdames et Messieurs les élus, nous vous demandons solennellement de condamner vivement la reprise de l’épandage aérien de pesticides dans notre pays déjà  lourdement contaminé par des pratiques culturales antérieures qui ruinent aujourd’hui des secteurs économiques comme celui de la pêche et de l’exploitation des eaux de source. Dans l’intérêt de la santé publique, il nous semble inadmissible, que vous attendiez qu’une alternative à  la banane d’exportation soit trouvée avant d’exiger l’arrêt de cette pratique. Voilà  donc pourquoi nous vous demandons de vous prononcer sur l’arrêt immédiat de l’épandage aérien en Guadeloupe.

La réponse de Jean-Claude Lombion, maire de Morne-à -l’eau

« J’ai été très sensible à  la lettre ouverte que vous avez bien voulu faire parvenir aux élus de la Guadeloupe, « île aux belles eaux » qui risquent d’être entièrement contaminées si nous n’y prenons garde.

En effet, je crois que nous ne devons pas être condamnés sur l’autel du profit alors qu’en France hexagonale, pour mettre un terme à  l’utilisation de ces produits nocifs, dangereux et mortels, l’on a bien d û trouver une alternative viable à  l’utilisation de ces produits nocifs, dangereux et mortels pour l’ensemble de notre population!

Il faut garantir aux exploitants la pérennité de leur production et protéger les familles guadeloupéennes qui vivent de la banane, mais pas au prix de l’élimination progressive, par la multiplication de pathologies diverses, d’enfants et d’adultes.

Quelle stratégie ont-ils trouvée en France hexagonale avant d’interdire l’épandage aérien dans des zones économiques sensibles? Pourquoi ne pas s’en inspirer ou s’y référer pour protéger nos populations sans porter un coup fatal à  notre économie?

Aujourd’hui, les élus de notre pays et tous les citoyens de bonne volonté doivent pouvoir faire entendre leurs voix pour réclamer des solutions sanitaires durables permettant d’enrayer le développement reconnu des pathologies léthales et en même temps de prévenir l’aggravation d’une situation économique et sociale déjà  catastrophique.

L’écho du cri du Collectif a résonné dans ma conscience d’élu guadeloupéen aimant son pays et soucieux de la protection de sa nature, de ses eaux, de ses richesses, de son économie, de ses enfants des générations futures. C’est pourquoi je souhaite qu’il soit entendu par tous ceux, élus comme moi, qui aiment la Guadeloupe et entendent sauver le papillon.

Je proposerai que la question soit mise à  l’ordre du jour de l’Assemblée Générale de L’Association des maires de Guadeloupe qui aura lieu prochainement.

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour