L’impact néfaste des pesticides sur la santé humaine et l’environnement est un fait admis. Récemment encore, l’utilisation de deux produits a été supendues pour deux ans du fait de leur effet nocif sur les abeilles et donc sur l’ensemble de notre biotope. La bataille juridique qui a été menée pendant deux ans en Guadeloupe contre l’épandage aérien porte à réfléchir.
Les cercosporioses noires et jaunes, sortes de champignons qui s’attaquent aux bananiers et réduit leur productivité fut l’argument initial des planteurs pour avoir recours à l’épandage aérien de pesticides. « Baisse de la production, mort de notre activité » disait en substance les planteurs.Il faut rappeler que l’épandage aérien est interdit dans la législation européenne, seulement toléré, par dérogation, dans certaines circonstances exceptionnelles.
Si nous revenons deux ans en arrière, la seule issue pour « sauver » la production bananière, maintenir des milliers d’emplois et protéger l’économie de la Guadeloupe, était de répandre des pesticides dans l’air, sur les bananiers mais aussi à proximité de cours d’eau, de zones habitées etc.
Quatre associations ( Asfa, Iretra, Envie-Santé, Amazonia) soutenues par un collectif contre l’épandage aérien se sont dressées contre cette idée. Leurs arguments ont été que l’épandage aérien présentait un risque pour la santé publique et pour l’environnement, que le principe de précaution, au regard de la pollution chimique dont la Guadeloupe a déjà été victime ( chlordécone) devait conduire à l’interdire et favoriser le développement d’autres pratiques agricoles.
Ces représentants de la société civile qui s’opposaient aux planteurs et aux dérogations systématiquement accordées par la préfecture ont été traitées » d’intellectuels », de « rêveurs », « d’écolo mal informés » etc.
Deux ans plus tard o๠en sommes-nous en Guadeloupe ?
Il semble acquis, même si ce n’est pas officiel, que l’épandage aérien de pesticides sur les bananiers est abandonné . Les pilotes d’hélicoptères sont partis dit-on, et un représentant des planteurs a fait, à la télévision, une déclaration allant dans ce sens. Plutôt qu’être montré du doigt, ils préfèrent changer leurs pratiques. Cette décision est toute à leur honneur.
Et l’économie de la banane ? La baisse de production de la banane d’exportation – essentiellement vers la France et l’Allemagne – est inférieurce à 5%, ce qui en terme de rentabilité a été corrigée par une augmentation de quelques centimes au kilo. Rien à dire. Les Européens du Vieux Continent peuvent payer un peu plus cher le kilo de banane pour que les habitants, l’air et le sol de la Guadeloupe soient préservés d’une pollution potentielle.
La banane guadeloupéenne survit donc à la fin de l’épandage aérien et peut-être survivra-t-elle même mieux.
C’est la leçon que l’ont peut tirer du feuilletton banano-juridique qui s’est prolongé durant deux années. De dérogations accordées en plaintes au tribunal administratif, il semble que la raison l’emporte.
Même Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, et ferveur défenseur de l’épandage aérien a évolué dans son jugement. Heureusement donc que des associations composées non pas « d’écolos », « d’intellectuels mal informés » mais de citoyens responsables se sont mobilisées pour ce combat nécessaire.
il continue en Martinique, pourquoi ?
Est-ce à dire que la bataille est terminée ?
Evidemment non. Quelques idées et points de vue différents ont fait un peu de chemin, mais il reste à faire. L’épandage au sol a des inconvenients et à plus long terme c’est l’organisation et les objectifs de l’agriculture conventionnelle dans les Doms qu’il faut repenser. En particulier, la priorité ne peut pas être indéfiniment donnée aux monocultures d’exportation. D’autres cultures, d’autres approches doivent être mises en oeuvre et soutenues par les pouvoirs publics.
La bataille n’est pas terminée parce que ce qui est vrai en Guadeloupe, ne l’est pas en Martinique. Comment expliquer que l’épandage aérien continue dans l’île du sud, sinon par l’aveuglement et une forme d’intransigeance des puissants planteurs martiniquais qui persistent dans leurs méthodes. A Fort-de-France la préfecture a accordé une nouvelle dérogation à l’épandage aérien. En Guadeloupe la raison l’emporte alors qu’en Martinique les planteurs ne lâchent rien.
Cette différence éclaire la « personnalité » des deux îles et fournit une explication aux erreurs du passé, notamment l’utilisation abusive du chlordécone, qui ne se serait sans doute pas produite, sans l’aveuglement et l’intransigeance qui caractérisent les planteurs martiniquais.
La situation en est là aujourd’hui. Les associations et le collectif qui en Guadeloupe ont obtenu gain de cause ne crient pas victoire.
Leur objectif initial était de faire cheminer cette idée simple : dans une société responsable, la santé publique, la qualité du sol et de l’eau sont prioritaires sur les considérations purement économiques. L’objectif est partiellement atteint, seulement partiellement.
Toutefois à ce jour, ce qui s’est passé en Guadeloupe est à plus d’un titre exemplaire. D’autres territoires pourraient s’en inspirer.