En utilisant Facebook, nous vendons un peu de nous-mêmes, FB génére des milliards de dollars en vendant le profil de ses utilisateurs. FB est un produit achevé de la mondialisation des échanges. Des millions d’entre nous y participent. Tiens en cette rentrée, faut-il fermer sa page FB ?
En 2014 le chiffre d’affaire de Facebook a dépassé les 12 milliards de dollars pour un bénéfice net de 2,9 milliards. Beau résultat dans un monde converti à l’argent roi et à la rentabilité. Le réseau FB compte 1,5 milliards d’utilisateurs dans le monde dont 28 millions en France. Le paradoxe FB est que tout le monde y participe, même ceux qui rêvent de sociétés dans lesquelles les solidarités réelles pèseraient plus que les amis aussi lointains que virtuels. Tous acceptent cette règle du jeu qui consiste à échanger/vendre un peu de soi-même contre le sentiment d’exister sur la grande toile planétaire.
Votre enfant a une page FB, tout comme le gouvernement américain, le ministère de l’intérieur, le tireur du Thalys, la bibliothéque de votre quartier, la fondation Louis-Vuitton, l’association d’aide aux sans abris de votre ville et le révolté qui pense changer le monde en couchant sur sa page FB ses états d’âme, ses déceptions et ses espoirs.
FB est une gigantesque auberge espagnole, qui filtre ces vies et les transforme en dollars. FB n’est pas gratuit. Mark Zuckerberg et ses amis ont crée un modèle économique du troisième type. Avant eux les supports médiatiques se rentabilisaient soit en vendant du contenu, soit en vendant de la publicité soit, le plus communément, en vendant les deux simultanément. Les créateurs de FB, eux, vendent les données personnelles de leurs utilisateurs aux annonceurs et aux marchands de publicité. Les go ûts, les préférences, toutes les données que les uns et les autres sont avides d’afficher sur le réseau, sont utiles aux publicitaires. Leurs cibles – nous-mêmes – sont transformés en valeurs marchandes et stockées dans le » big data » planétaire.
La force de Zuckerberger est de rentabiliser ces données et de laisser entendre qu’il va en accumuler toujours plus et qu’il les rentabilisera toujours plus. Quand trois milliards d’humains seront sur le réseau, l’action FB grimpera encore, c’est en tout cas ce que croit le marché.
L’astuce n’est pas d’avoir créer un gigantesque réseau social en ligne; l’astuce est de rentabiliser les données personnelles que des millions de gens confient à ce réseau en échange d’un espace virtuel de socialisation. Espace virtuel qu’on peut considérer au final, bien moins intéressant que la vraie vie.
Qu’offre FB en échange du temps, de l’intimité, des connaissances et de beaucoup de choses précieuses qui constituent l’être et la personnalité de chacun d’entre nous ? Il est bon de se reposer la question. Utiliser FB pour faire connaître une association une entreprise ou une activité nouvelle est concevable mais s’y livrer soi-même n’est-ce pas trop ? S’ils étaient plus exigeants et lucides, les utilisateurs de FB devraient demander au réseau de les rémunérer pour les heures passées et la matière grise produites en échange de relations numérisées et virtuelles. Mais cela n’arrivera pas.
Dans l’un de ses derniers numéros « The New Yorker », le magazine de la vie culturelle newyorkaise raconte qu’une sociologue américaine Zeynep Tuffekci spécialiste des médias sociaux a proposé à FB de payer pour le service rendu – l’espace de sociabilité en ligne – en échange de quoi FB s’engagerait à ne pas enregistrer ses données ni ce qu’elle fait sur le réseau. Cette demande n’a pas eu de suite. Sans doute parce que si elle était acceptée, elle bouleverserait l’accord tacite et paradoxal existant autour de FB : un faux sentiment de choix, de liberté et de gratuité d’une part et une incroyable machine à fabriquer des dollars d’autres part.
Quelques sociétés plus ou moins bienveillantes qui concentrent des données et des informations sur des dizaines de millions d’individus détiennent un pouvoir considérable, un pouvoir monayable qu’elles font fructifier. L’astuce comme l’écrit « The New Yorker » c’est que nous sommes à la fois le client et le produit d’un réseau social qui nous revend à des annonceurs. Un » business » parfait.
On ne peut nier que FB fait des efforts de transparence et s’efforce d’expliquer sa politique de confidentialité, avec même une désarmante sincérité. L’utilisateur peut faire des choix, bloquer certaines fonctions, limiter le champ des partages etc … Mais combien, sur le milliard et demi d’utilisateurs à ce jour ont tout lu de la régle du jeu. FB concentrent nos activités, nos contacts, nos achats, ce que l’on dit sur nous, informations qui sont croisées avec celles de Whatsapp, Instagam et de la dizaine d’entreprises qui opèrent sur le net et appartiennent à FB. Derrière la façade du réseau social s’active une gigantesque machine à collecter et traiter les informations.
FB est d’une sincérité désarmante : » en savoir plus sur vous permet de mieux cibler vos centres d’intérêts et les publicités que nous vous envoyons. » Une fonction » préférence publicitaire » permet à l’utilisateur de choisir ses » pub préférées ». Un peu comme comme si on laissait au petit chaperon rouge le choix du loup qui allait le manger. FB est de ce point de vue un outil d’une efficacité redoutable. L’utilisateur donne volontairement des données sur lui-même, ce qui fait de lui un consommateur transparent, un peu plus vulnérable sur le marché et cible de choix pour les opérations de marketing.
Cette transaction d’un nouveau type devrait nous faire réfléchir. L’utilisateur paie de son intimité, de sa personne une apparente gratuité. Lorsqu’on paie un service en argent sonnant, la transaction s’arrête quand le vendeur rend la monnaie, avec FB, la transaction ne s’arrête pas, les données tournent dans les calculateurs. et tracent des profils de consommateurs, mais pas seulement. En des mains malveillantes, on peut imaginer que FB pourrait servir à autre chose qu’à vendre des ordinateurs ou des croisières.
Un point du réglement FB dit qu’on peut à tout moment effacer son compte FB, avec cette précision: » Les informations que les autres utilisateurs ont partagé à votre sujet ne font pas partie de votre compte … » Des traces de la transaction resteront sur le réseau, des images, des commentaires. Big brother is watching you !