Le projet d’un golf de montagne en Guadeloupe sur la commune de Petit-Bourg qui préléverait une centaine d’hectares de terres agricoles et prévoit la construction d’un hôtel quatre étoiles, suscite des réactions et des polémiques. Est-ce d’un deuxième golf, d’un quatre étoiles » en montagne » dont la Guadeloupe a besoin en priorité ? Point de vue.
Des golfs de montagne existent un peu partout dans le monde : en Europe, dans les Alpes et les Pyrénées; aux Etats-Unis dans le Colorado, le Montana etc. Ce sport haut de gamme propose à ses pratiquants de conjuguer « le plaisir du swing avec la marche en montagne dans des décors somptueux. » C’est par ces mots que le golf du lac de Tignes, le plus haut d’Europe, assure sa promotion pour attirer les golfeurs assoifés de grand air. Pourquoi pas ?
La pratique et l’implantation de ce sport semble évidente en Haute-Savoie ou en Autriche, mais est-il bien sérieux de vouloir l’implanter et le développer aux flancs d’un volcan, sur un archipel de la mer des Caraïbes qui manquent par ailleurs de tant d’équipements ? Question de bon sens.
Ce projet à Petit-Bourg sur les flancs de la Soufrières au-delà des polémiques qu’il engendre – disparition de terres agricoles, spéculation foncière, modèle de développement incohérent etc . – ressemble à un projet artificiel, venu d’ailleurs, spéculatif, plaqué de manière arbitraire sur un territoire sans tenir compte de la réalité du pays. Rien de nouveau sous le soleil diront ceux qui pensent que la Guadeloupe n’est pas sorti d’un néocolonialisme qui ne dit pas son nom.
Qui s’intéresse au » golf de montagne » sur cet archipel où par ailleurs tant de problèmes ne sont pas résolus ? Prenons les principaux: l’acheminement de l’eau potable, les transports en commun dont l’inefficacité est un handicap pour le développement et l’emploi; la saturation des routes aux heures de pointe; le traitement des déchets qui a pris des années de retard; la santé publique: un hôpital en chantier ( avec du retard) et un autre en lambeaux ( mieux vaut ne pas être gravement malade en Guadeloupe); le logement; la formation et la lutte contre l’illettrisme dont le pourcentage est bien trop élevé ; on peut ajouter les » sargasses » qui risquent de poser un grave problème au développement touristique, à cet objectif de 1 million de touristes par an ( plus de deux fois la population de l’île) si aucune alternative n’est trouvée. S’en remettre aux vents et courants de l’Atlantique est un jeu à risques.
Dans ce contexte mener à terme ce projet de golf de montagne ressemblerait à une fuite en avant vers un modèle de développement déconnecté du territoire. Une centaine d’hectares de terres cultivables prélevées, alors que de jeunes agriculteurs en réclament, un club house, un hôtel 4 ou 5 étoiles construit pour des golfeurs venus d’ailleurs, sitôt venus, sitôt partis après avoir réalisés leurs parcours. Cette clientèle ira-t-elle à la découverte de l’île et de ses habitants, participera-telle à l’économie et à la vie locale ? Poser la question est en partie y répondre.
Question de bons sens, encore: la Guadeloupe a-t-elle besoin d’un deuxième golf ? Si le golf de Saint-François était saturé et florissant nous pourrions répondre oui, mais ce n’est pas le cas.
Saint-François : le golf, un poids sur les finances communales.
La chambre régionale des comptes est saisie lorsque le déficit d’une commune de moins de 20 000 habitants est égal ou supérieur à 10% de son budget de fonctionnement. La saisie est déclenchée à 5% de déficit pour les communes de plus de 20 000 habitants. En Guadeloupe pour la commune de Saint-François, la chambre a été saisi en juillet 2017 sur la base d’un déficit de 3.303 080,17 euros au budget principal de la commune et de 1 015 537,25 euros au budget annexe de la régie du golf. Après avoir intégré à ces chiffres le modeste résultat exédentaire du port de plaisance ( 69 653,11 euros), les 10% de déficit étaient toujours là ! Saint-François, vue de loin, peut ainsi donner l’impression avec son tourisme, ses vacanciers, ses hôtels, son casino, son golf, ses lotissements haut de gamme fermés sur eux-mêmes, son aérodrome, d’être une commune à l’aise, elle ne l’est pas .
« Les premiers signes de la dégradation de la situation financière de la commune, sont apparus entre 2009 et 2014, » écrit la chambre régionale des comptes. » La commune explique ce déficit par la place et le rôle qu’elle entendait occuper sur le plan touristique avec des équipements comme l’aérodrome, le golf et le port de plaisance. »
Ainsi la commune a investi, s’est endettée pour le tourisme, mais le retour sur investissement n’a pas suivi. C’est à méditer pour qui pense que le tourisme est un investissement rentable à tous les coups. Il peut l’être quand la qualité des services et le niveau des recettes sont à la hauteur des investissements et qu’il ne s’agit pas de projets purement spéculatifs. Les exemples d’investissements hôteliers qui ont » mal fini » en Guadeloupe, ne manquent pas.
La chambre régionale des comptes exprime ainsi son avis sur le cas de Saint-François : » Les choix de de la commune ont pesé sur les finances, des efforts de gestion sont indispensables pour parvenir à l’équilibre car la fiscalité communale et les tarifs du golf sont insuffisants pour couvrir les dépenses. »
Autrement dit, la commune a investi mais les recettes fiscales pas plus que les recettes commerciales n’ont été au rendez-vous.
Pour revenir à l’équilibre d’ici 2022 la chambre régionale préconise à la commune de stabiliser les charges de personnel (91 agents ont été recrutés entre 2010 et 2014) et de clarifier le mode de gestion de l’aérodrome en établissant notamment une tarification .
Sur le golf dont le déficit dépasse le million d’euros, l’institution est plus précise: elle préconise de ne plus recruter de personnel, de ne pas renouveler les CDD, pour limiter les dépenses salariales à 730 000 euros par an et de contenir les charges générales à 445 000 euros.
Contrôle des dépenses donc et pour optimiser les recettes, la chambre conseille vivement d’augmenter les tarifs du golf et de ne plus engager d’investissement qui ne soit pas urgent.
A ce compte le budget du golf de Saint-François pourrait être équilibré en 2022. Mais jusqu’à cette date, la commune devra combler le déficit. Tous les contribuables de Saint-François participeront joueurs ou non joueurs.
Après avoir entendu ceux qui sont favorables au projet dire que le golf de Petit-Bourg, golf de montagne, serait complémentaire et non pas concurrent de celui de Saint-François, golf de littoral, on peut s’interroger complémentaire en quoi ?
Que dit la Guadeloupe de ce projet de golf ?
A ce jour une pétition circule à l’initiative du Cippa ( comité d’initiative pour un projet politique alternatif) dont le président Alain Plaisir s’est exprimé sur plusieurs médias. Cette pétition a recueilli plus de 3300 signatures, un collectif s’est crée contre le projet, composé de quelques dizaines de personnes représentant les associations,organisations paysannes, écologistes, partis politiques etc . Le 2 juin à Goyave une assemblée citoyenne doit faire le point sur le sujet. (1)
Au-delà des clans et des clivages, des partis pris et des idéologies, des intérêts privés et de l’intérêt général peut-on imaginer qu’un consensus se fasse pour dire simplement que la Guadeloupe en 2018 a besoin de cohérence et de compétence pour un développement raisonné et pas d’une nouvelle fuite en avant aveugle et consumériste.
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(1) Le SAMEDI 2 JUIN 2018 à 16H A LA SALLE POUMAROUX sur la plage de SAINTE-CLAIRE à GOYAVE assemblée citoyenne autour du projet de golf de montagne à Petit-Bourg.
Ordre du Jour : Définir les actions à mener pour faire échouer le projet de Golf de montagne de la municipalité de Petit-Bourg, qui va supprimer plus de 100 hectares de terres agricoles
Du tourisme de luxe, le Guadeloupén moyen pourra même pas circuler dans ces lieux, car il y aura des gardes partout qui demanderont un laissez passer à chaque Guadeloupéen.
De mon point de vue le tourisme ne doit pas être la première priorité de la Guadeloupe.
D’ailleurs si on reste Français ce n’est pas pour faire les mêmes produits que nos voisins. On veut du savoir faire de haute qualité, j’ai regardé un reportage sur l’Islande, ils sont autosuffisant alimentaire (islande est un énorme glacier) la Guadeloupe est un pays tropical humide donc on est favorisé par la nature et les Islandais sont autosuffisant au niveau energetique (ils vivent sous un volcan comme en Guadeloupe).
Je rêve plutôt d’un devellopement islandais pour la Guadeloupe.
Pour compléter le commentaire de Cassandre, il faudrait conseille au maire de Petit-Bourg de s’informer sur la situation économique de Barbade. Le parti au pouvoir vient de perdre les élections gravement, résultat d’une mauvaise gestion et le parti travailliste vainqueur va devoir prendre des mesures sérieuse pour redresser l’économie à la dérive.
Et ce ne sont les six golfs qui vont y contribuer.
Ce projet est du même ordre que celui d’un téléphérique de l’aire de Beausoleil à la Savane à mulets avec station aux Bains jaunes… C’est le contribuable qui en fera les frais.
Que la Gpe régle d’abord ses problèmes d’alimentation en eau potable de la population, assure la salubrité en traitant correctement les déchets ménagers et autres !
c’est un excellent article pour bien expliquer pourquoi le CIPPA et les autres organisations, se battent contre un golf de montagne . ce n’est pas un problème qui concerne seulement PETIT BOURG, mais la GUADELOUPE . Cet archipel a besoin de ses terres pour développer le secteur tertiaire qui est primordial dans toute économie.Il faut rappeler que les premières dépenses de l’UE c’est l’agriculture. Ici, nos élus(qui représentent une fraction de la population)n’ont aucune considération pour l’agriculture, puisque chaque année 1 000 ha de terres agricoles disparaissent pour des spéculations comme des lotissements, des centres commerciaux, des parkings pour voitures, des ronds points etc…le golf de montagne est loin d’être une priorité pour notre archipel .Nous avons le devoir de faire échouer, ce projet ……….scandaleux.
ça suffit toutes nos terres sont polluées par le chloredécone celles qui nous restent et qui sont
encore cultivables laissez-les nous pour nourrir la population guadeloupéenne.
Le combat mené par le collectif est juste.
Merci pour cet article clair et précis ! CQFD, la démonstration est faite.
Et, oui, la Guadeloupe a besoin de cohérence, de compétence et d’une vision à long terme pour un développement raisonné et durable qui bénéficie à tous.
J’ai entendu le maire de Petit-Bourg Guy Losbar dire qu’il n’y avait pas de problème et prendre l’exemple de Barbade où il y a six golfs. Mais le choix de développement de ces petites îles indépendantes de la Caraïbe est-il le bon ? Usine à touristes pour les continents nord américain et européens est-ce souhaitable pour la Guadeloupe ? Si l’on observe ce qui se passe à Antigue ou Ste Lucie : plages privatisées, plages publiques réduites au minimum, tout pour les grands hôtels, ce n’est pas ce que je souhaite pour mon pays et c’est vers quoi on nous amène … 1 million de touristes est-ce souhaitable ? Tourisme de qualité, proche de la nature ou tourisme de masse dévastateur ? Ce golf de montagne plutôt haut de gamme me semble contradictoire avec le million de tourisme visé. Pas clair tout ça.
Tout à fait juste